10. Voyages en Italie : le Val d’Aoste - suite
Après Saint-Vincent, la Doire Baltée fait un brusque tournant vers le sud, et la route devient étroite pour franchir la gorge
de Montjovet, creusée par le fleuve, lieu stratégique qui a toujours commandé l’accès à Saint-Vincent, puis Aoste. La
zone fut occupée dès le néolithique (nécropole d’environ 3000 av.J.C.,
gravures rupestres dans la localité de Chenal et tombe romaine). La défense
était assurée par le château de Saint-Germain, construit au XIe siècle par la
famille Montjoveto sur les ruines d’un « castrum » romain, sur un pic rocheux
appelé « Mons Joviculus » consacré à Jupiter ; les Savoie l’occupèrent en
1295, et le donnèrent en fief aux Challant jusqu’en 1438. En 1764, Charles-
Emmanuel III réalisa le changement du tracé de la route qui est le tracé actuel
(la « Montjovetta ». Cf. Histoire). Face au château de Saint-Germain, se
dressent les ruines du château de Chenal, construit au XIIIe siècle et
démantelé en 1540. Dans le village, quelques maisons anciennes.On passe
ensuite à Champdepraz, au milieu des châtaigniers (Cf. Photo ci-contre, avec
au fond le Parc du Mont-Avic). Un de ses hameaux, Gettaz des Allemands,
témoigne dans son nom de l’invasion alémanique venue du Valais. De là on
peut monter à Barbusté, riche d’une ancienne mine de pyrite et de
chalcopyrite exploitée du XVIIe siècle à 1951, dont les bâtiments sont encore visibles. Au-dessus,
s’étend le premier Parc Naturel de la Région, celui du Mont-Avic (Vient de « Mont aù » = Mont
aigu) qui couvre 3500 hectares (paysages, lacs, tourbières riches de végétation originale, faune de la
Région, bouquetins, chamois, marmottes, aigles, faisans de montagne, perdrix ...).
On arrive ensuite à Verrès, grand centre commercial et industriel de la Basse Vallée, dominé par son
château. Possédé d’abord par des seigneurs locaux, il fut inféodé aux Challant vers 1390, et revint
sous administration directe des Savoie en 1595, le dernier Challant, Renato, dont la place porte le
nom, étant mort sans héritier mâle. À côté de l’église des Saints Egidio (s. Gilles) et Agostino, se
trouve la Prévôté de S. Egidio, construite vers l’an 1000 par les chanoines réguliers de Saint
Augustin et aujourd’hui occupée par les chanoines du Latran. Reconstruite en 1512, puis en 1775-6,
elle garde son portail de pierre qui représente un grand arbre tressé, et sa tour carrée de 1512
(Charles de Challant).
Le château de Verrès (Cf. photo ci-contre) est un autre exemple de bâtiment monobloc,
forteresse militaire de la période gothique ; il est dans une position stratégique et a
remplacé une tour ou une maison forte antérieure (1390). En 1536, René de Challant le
renforce et le modifie en fonction de l’introduction des armes à feu (murailles au nord
munies d’ouvertures pour les canons). En 1661, le duc Charles-Emmanuel II transféra
toutes les installations défensives plus au sud, au Fort de Bard. Le château est un carré de
30 mètres de côté sans tours d’angle, dont les pièces sont réparties sur trois étages autour
d’une cour intérieure, reliés par un grand escalier sur arcs rampants (Cf. Photo ci-dessus à
g.) : au milieu de la cour, un puits recueille les eaux de pluie. Les cheminées sont parmi
les plus grandes des châteaux de la Région (Cf. Photo page précédente).
Le Carnaval de Verrès, du samedi au mardi-gras, s’y déroule chaque année sur le thème
de l’épopée de la comtesse Catherine de Challant (Cf. photo page précédente à dr.) ;
comme partout le carnaval célèbre la joie de l’arrivée du printemps, avant la sévérité du
Carême. Catherine était une souveraine « démocrate » qui venait danser sur la place avec ses sujets et son mari, Pierre d’Introd, dans
l’enthousiasme
populaire ; en 1442, son père
avait légué son
patrimoine à ses deux filles,
mais Catherine obtint aussi
l’héritage de sa soeur
Marguerite ; cela fut contesté
par ses cousins au nom de la loi
Salique qui interdisait aux filles
d’hériter de leur père ; aidé par
son second mari, Pierre de
Sarriod, comte d’Introd, Catherine résista jusqu’en 1456 et
n’abandonna la lutte qu’après la mort de son mari, tué dans une
embuscade.
Elle se remaria et tenta en vain jusqu’à sa mort en 1476 de récupérer son comté.
Presque en face du château de Verrès se situe le château d’Issogne (Cf. Photo à
g.) autour duquel est sis le village d’Issogne, construit sur une ancienne villa
romaine. Il y eut d’abord une maison forte qui, en 1379, fut transformée en un
château de résidence de style gothique par Yblet de Challant ; les Challant
l’embellirent et l’agrandirent par la suite. Il fut restauré au XIXe siècle, donné en
1907 à l’État italien qui le remit à la Région en 1948.
C’est un édifice quadrangulaire, avec de petites tours d’angle, autour d’un jardin
intérieur, refait à l’italienne ; sur cette cour donnent les façades ornées de blasons
des familles Challant ; au centre, la fontaine du grenadier, une fontaine de fer forgé
représentant un grenadier avec des feuilles de chêne, symbole de la fécondité et de
l’unité familiale, sur une base en pierre octogonale (Cf. photo ci-contre); des
fresques de la vie quotidienne et de boutiques de marchands ornent les voûtes des
arcades (B du plan), elles ont été réalisées entre 1499 et 1509 par trois ateliers
différents d’artisans. On peut visiter une dizaine de pièces d’un ensemble de 50 :
après l’atrium (A du plan), au rez-de-chaussée, Salle à manger (C), cuisine (D), salle de séjour (E),
salle de Justice (décorée de scènes de chasse) (L) ; au premier étage, chapelle (B), chambre nuptiale
de René de Challant et de son épouse Mencia (D), Chambre du cardinal Madruzzo (C), parent du mari
d’Isabelle de Challant, Jean-Frédéric de Madruce, chambre de Marguerite de la Chambre (F), un oratoire
(G), salle d’armes (L) ; au second étage, loggia (B), et par un escalier en colimaçon, chambre de
Georges de Challant (F. Cf. Photo ci-contre), décorée de fresques et avec une grande cheminée, oratoire
(G), Tour d’angle (H), d’où on a une belle vue sur les autres châteaux et le paysage, chambre d’Isabelle
de Challant et Chambre de l’empereur où coucha Sigismond de Luxembourg en 1414, à l’extrémité sud-
ouest du château (I), Chambre du Roi de France (où fut reçu Charles VIII en 1494) (L. Cf. Photo ci-
dessus). C’est un bel ensemble qui comprend aussi de nombreux meubles et des armes anciennes (Voir
un plan plus détaillé sur Internet, www.regione.vda.it ... castello di Issogne).
On raconte que le château est hanté par le fantôme de Blanche-Marie Gaspardone, première épouse de
René de Challant, qui fut condamnée à mort pour avoir assassiné son amant, et
exécutée en 1526 à Milan...
Après Issogne, on entre dans la commune d’Arnad, dominée par trois châteaux, le château Supérieur (Cf.
photo ci-contre) qui appartint aux premiers feudataires, les Seigneurs de Bard, de 1214 à la fin du XIIIe siècle ;
il revint aux Savoie en 1287 puis passa aux Vallaise qui étaient peut-être une branche des seigneurs de Bard.
Il est abandonné vers la fin du XVIe siècle, les Vallaise s’étant installés dans un autre château ; il est
aujourd’hui en ruines. Le deuxième château est le château Vallaise (Cf.
photo à gauche), ou Château inférieur, grande construction résidentielle du
XVIIe siècle, ornée de fresques représentant des scènes mythologiques et
des vues des localités appartenant aux Vallaise, à côté de paysages
fantastiques. D’autres fresques louent les femmes de la Bible, Agar et
Tamar. Plus loin se dresse encore une Tour du XIIe siècle, qui avait
probablement fonction de maison forte.
Il faut voir aussi l’église romane de San Martino (Cf. photo à droite),
avec son abside couronnée de petits arcs. Elle a été édifiée entre le XIe et
le XIIe siècle ; son portail est du XVe siècle, encadré de deux arbres tressés sculptés dans le tuf.
Arnad est le lieu de production du « Lard d’Arnad » qui doit sa saveur à la nourriture des porcs (à base de
châtaignes et de légumes) et au mode d’affinage avec des herbes de montagne, des épices et divers arômes
(Voir le site : www.taccuinistorici.it) ; il peut se manger sur une tranche de « pan nèr », le pain typique du
Val d’Aoste, tartiné de miel... Arnad produit aussi avec Montjovet un vin DOC, « denominazione di origine
controllata ». Arnad a un mur d’escalade célèbre auprès de tous les alpinistes.
On arrive enfin à Bard qui est le véritable verrou d’entrée dans la vallée d’Aoste, il garde de
façon autrefois dite « inexpugnable » la gorge étroite dans laquelle il faut passer pour entrer
ou sortir de la vallée pour entrer dans le Piémont ; le Fort qui le domine était donc un point
stratégique qui fut déjà exploité par les Romains (il reste dans le village des traces de la voie
romaine). Le village est d’origine médiévale, et ses maisons datent encore du XIIIe au XVIe
siècles ; une des plus importantes est le Palais des comtes Nicole, les derniers comtes de
Bard, dont ce sont les armoiries à deux bars qui donnent son nom au village ; la maison est
disposée à cheval au-dessus de la route, ce qui permettait de recueillir les péages. On peut
voir aussi la maison de l’évêque, la maison Challant, la maison Ciucca, et quelques autres. Le village vaut la peine d’une
promenade à pied. La nouvelle route contourne maintenant le village. Voir ci-dessus une ruelle couverte du village.
Au-dessus du village, il y a donc le Fort de Bard, récemment restauré. Son site fut occupé dès la
préhistoire (existence de gravures rupestres au pied de l’éperon rocheux), puis par les Romains,
enfin par le roi des Goths Théodoric (455-526) ; il y eut ensuite une fortification des comtes de Bard
; on y signale la domination d’Humbert Blanches-Mains, puis en 1242 Amédée IV s’empare du fief ;
dans le fort, Charles Emmanuel II fit transférer en 1661 toutes les artilleries des châteaux de Verrès
et de Montjovet. En 1800, Napoléon, arrivant du Grand-Saint-Bernard, dut contourner le Fort ; il le fit
assiéger par ses troupes, et l’assaut dura du 19 mai au 1er juin, tellement fut forte la résistance des
400 soldats piémontais et autrichiens qui y étaient concentrés. Le Fort ne se rendit qu’après la
chute d’Ivrée ; la garnison put sortir avec les honneurs des armes, et Napoléon fit raser le château
au sol. Il ne fut reconstruit qu’entre 1830 et 1838, et il servit de prison (Cavour y fut enfermé
pendant 8 mois en 1831 pour ses opinions libérales, et c’est là qu’il abandonna la
carrière militaire pour se lancer dans l’action politique).
Le Fort de Bard a été acquis par la Région et restauré. Il comprend maintenant
quatre ouvrages principaux : 1) En bas, l’ouvrage Ferdinand qui abrite le Musée des
Frontières, une histoire des Alpes Occidentales et de leur peuplement ; 2) Un peu
plus haut, l’ouvrage des Mortiers, où la réouverture des canonnières permettra
d’avoir une belle vue du panorama ; 3) L’ouvrage Victor, siège du Musée du Fort et
des fortifications, une histoire des fortifications de Bard et des méthodes d’attaque et de défense, des
Romains au XIXe siècle. On y trouve aussi un espace ludique destiné aux enfants, « Les Alpes des enfants »
; 4) L’ouvrage Charles-Albert, destiné à des expositions (Cf : ufficiostampa@fortedibard.it) et à des spectacles
(septembre 2015 : le passage de Napoléon en 1800). De plus, dans l’étage enterré se trouvent intactes les
anciennes prisons, consacrées à une histoire des prisonniers de Bard (« Galerie de la mémoire »). (Cf. plus
haut, une vue ancienne du Fort de Bard).
On passe ensuite à Donnas, sur l’ancienne route romaine dont il reste une longueur de 221 mètres, de 5
mètres de large, qui témoigne de l’importance qu’a eue ce village de passage obligatoire pour entrer dans le
Val d’Aoste en venant du Piémont (Cf. photo de la route dans Histoire). Dans la courbe de la Doire, un éperon
rocheux forme une barrière naturelle qui a été amplement fortifiée. Une borne romaine indique que Donnas
est à « XXXVI milles » d’Aoste. Depuis 1674, ce sont les comtes Henrielli qui disposent du fief concédé par les Savoie ; parmi d’autres maisons médiévales, leur
palais construit contre une tour du XVe siècle, témoigne de l’ancienneté du village. Donnas, sur ses terrassements de colline, produit un vin rouge classé DOC
depuis 1985. Tous les avant-derniers dimanches de janvier se déroule dans le village une grande Fête du Bois, vitrine de tout l’artisanat et de tout l’art populaire
du village, avec environ 500 artisans (objets en bois, outils, dentelles, tissus, fer forgé, pierre ollaire ...) (Photo à gauche : entrée de la ville ; et ci-dessous, trois
vues de la Foire du Bois.
Le dernier village de la Vallée d’Aoste est Pont-Saint-Martin, dont on a déjà évoqué le pont romain (Cf. Histoire) ; c’est ce pont qui lui donne son nom accolé à
celui d’une branche de la famille de Bard, les Saint-Martin, troisième famille dans l’ordre nobiliaire valdotain, après les Challant et les Vallaise. À la base du pont,
on peut voir les restes d’un pont précédent, peut-être d’origine salasse. Le pont romain a été en fonctionnement jusqu’en 1831. Le village, en partie détruit par les
bombardements de la seconde guerre mondiale, est dominé par plusieurs restes de châteaux.
On arrive enfin au défilé de Bellegarde qui va ouvrir la plaine d’Ivrée et la région du Piémont. Il est dominé par une série de fortifications , dont la Tour de
Bellegarde. C’est la fin de la Région de la Valle d’Aosta.
4 – Les vallées latérales
A – Sur la rive gauche de la Doire Baltée
a) La vallée du Grand-Saint-Bernard. Elle permet de rejoindre la Suisse, c’est la première vallée carrossable de la
rive gauche depuis Courmayeur. On l’appelle souvent la Coumba Freide, la vallée froide à cause de son climat hivernal.
L’accès au tunnel est protégé par des galeries qui protègent des avalanches ; après 5813 mètres de tunnel, on débouche à
Bourg-Saint-Bernard puis à Martigny dans le Valais. La route qui part de Signayes, à la sortie d’Aoste, serait l’ancienne voie
des Salasses. On traverse Gignod (qui fut peut-être l’ancienne Girosolis romaine). Du château de Gignod, il reste la Tour du
XIIe siècle, peut-être d’origine romaine ; l’église paroissiale de Saint Hilaire a un clocher de 1481 et un cycle de fresques
d’environ 1480. De l’ancien système d’irrigation construit au XIVe siècle, il reste
la canal « Ru Neuf » qui apporte encore l’eau du Buthier à Aoste (Ci-contre,
panorama de Gignod).
On passe ensuite à Allein, site déjà connu des Romains qui en exploitaient la
forêt (Allein = Ad lignum). Le village est célèbre pour son carnaval, inspiré par
les costumes des soldats de Napoléon lorsqu’ils franchirent le col en 1800 et par
des personnages comme Arlequin, la Demoiselle, l’Ours, le Diable, le « Tocco »
et la « Tocca », venus de tout le Val d’Aoste. En face d’Allein, Clusaz, localité
stratégique, une des « clausurae » d’Auguste.
On arrive ensuite, par une route au milieu de bois de mélèzes, à Etroubles (la Restapolis des Romains), à qui les
Savoie accordèrent le monopole des transports pour le col et l’exemption du service militaire des jeunes de 1658 à
1915. On y conserve la Tour des seigneurs de La Vachery, qui furent parmi les premiers feudataires ; elle est estimée
du XIIe siècle. Le village fut doté en 1317 d’un hospice pour les pèlerins. L’église, du XIXe siècle, a gardé son clocher
du XVe siècle. Etroubles a aussi la tradition d’un carnaval proche de celui d’Allein. En reprenant la route du col, on
arrive à Saint-Oyen, d’où part le raccordement avec l’autoroute du col. On y trouve le « Château Verdun », édifice fortifié donné en 1137 aux moines du col
comme annexe de l’Hospice. L’autoroute, seule ouverte en hiver, est protégée de la neige et des avalanches.
Saint-Léonard se trouve aussitôt après la déviation de l’autoroute. À l’entrée, après l’église néogothique, se dresse l’ancien château des feudataires du village,
les de Bocha, et plus loin, une maison forte des mêmes feudataires. Au-dessus du village, il y a la source d’eau ferrugineuse de Citrin.
Saint-Rhémy-en-Bosses est le dernier village avant le col, qui fut une étape sur l’ancienne route consulaire romaine, que l’on peut encore parcourir à pied
jusqu’au col. Les Romains y avaient en effet installé un relais d’échange de chevaux. Le village produit un jambon
réputé. On monte au col (2473 m.) dans un paysage désolé de plus en plus désert, au milieu de roches grisâtres. Un
hôtel est dominé par la statue de Saint Bernard, sculptée en 1905 ; il est le patron des alpinistes. On franchit les
douanes italienne et suisse, on longe le lac (le Lacus Poenus des Romains) et on arrive à l’Hospice. On relève aussi
des restes d’un Temple romain et de « mansiones » du Ier siècle après J.C. Saint Bernard fonde l’hospice en 1050,
lorsque le col sera débarrassé des attaques des Sarrasins grâce à l’évêque Hugo de Genève ; bientôt le col, appelé
jusqu’alors Mons Jovis, prendra le nom de Grand-Saint-Bernard (Cf. ci-contre la statue de Saint Bernard au col). La
dernière restauration de l’hospice remonte à 1825, il est géré maintenant par les Chanoines Réguliers de Saint
Augustin qui gèrent aussi l’ensemble de Saint Ours à Aoste. Le col a toujours eu une grande importance stratégique,
depuis les peuples qui ont précédé la conquête romaine (le col était contrôlé, d’après Tite Live, XXI, 32, par 2 tribus,
les « Seduni » et les « Vegrari » et protégé par le dieu « Poeninus » (de « Pen » == sommet), qui laissa la place à un
« Juppiter Summus Poeninus » qui donna le nom de « Mons Jovis » au moyen-âge. Le Musée de l’Hospice rappelle
cette histoire ; dans l’église repose le corps de Sainte Faustine, martyre romaine du IIe-IIIe siècle (une des saintes Faustines...), dont Léon XII fait don aux moines
en 1828.
b) La vallée de la Valtelline (à partir d’Aoste). C’est la vallée du Buthier de Valpelline, et du Buthier d’Ollomont.
Ce parcours d’une trentaine de kms est intéressant pour ses paysages, qui offre de nombreuses excursions aux
alpinistes en été et des pistes de ski en hiver. C’est aussi une vallée à connaître pour son passé historique, dont il reste
quelques tours, à Valpelline et Oyace ; mais elle était déjà occupée par les Romains ; elle conserve aussi quelques
traces des installations d’irrigation installées par les paysans dès le XIIIe siècle (« Ru » et pont-canal de Porossan, qui
comporte un couloir inférieur pour l’écoulement de l’eau). Le village de Valpelline donne son nom à la vallée ; il fut
inféodé aux seigneurs de Quart, puis aux La Tour de Valpelline, sous la seigneurie des Savoie ; son église paroissiale,
Saint Pantaléon est de 1722 et contient un Musée d’Art Sacré. On y mange la « seupa à la valpelenentze » (bouillon de
viande trempé de pain sec, de fontina et de choux bouillis).
De Valpelline, on peut remonter la vallée d’Ollomont parcourue par le torrent Buthier d’Ollomont. Elle est riche de mines
de pyrite. La chapelle de Saint Pantaléon à Vaud a encore des
fresques de 1443. Un peu plus haut, une excursion à la Fenêtre
Durand permet de voir de nombreuses marmottes, des chamois et
des bouquetins. C’était aussi un passage entre le Val d’Aoste et la
Suisse, par lequel Calvin s’enfuit en Suisse après avoir été chassé
par les habitants d’Aoste. On trouve dans toute cette vallée des
maisons rustiques traditionnelles (Ci-contre, Ollomont).
On monte ensuite à Oyace (connue par les Romains sous le nom d’Agacium) où subsiste une tour du XIIe
siècle des seigneurs de Quart, dont l’entrée est à 7 mètres au-dessus du sol, puis à Bionaz qui a une église
baroque (Sainte Marguerite, avec ses autels baroques du XVIIIe siècle et son clocher roman du XIIIe siècle).
C’est là que se réfugièrent quelques ecclésiastiques français (dont l’archevêque de Paris) durant la Révolution
de 1789. On arrive enfin au lac de Place Moulin où la route se termine ; c’est un lac artificiel créé en 1965 avec
la digue qui règle le flux des eaux des installations hydroélectriques de Valpelline.
c) La Valtournenche et le Cervin (à partir de Châtillon). La vallée (l’ancienne « vallis Tornenchia »)
fut occupée par l’homme dès le IVe millénaire av. J.C. (une hache de cette
époque est retrouvée sur le versant suisse du col de Teòdulo) ; des restes de
l’âge du Bronze (IIe millénaire - début du Ier millénaire :
gravures rupestres) et de l’âge du Fer (Ier millénaire av. J.C.) ont été retrouvés, ainsi que de nombreuses traces d’occupation
romaine. Au Moyen-âge, la région fut inféodée aux Challand (qui y pratiquèrent le brigandage) jusqu’à ce que les Savoie reprenne
le contrôle du fief en 1346 (Amédée VI, le Comte Vert). Pendant des siècles, la vallée fut une voie de communication avec la
Suisse par le col de Teòdulo.
À la sortie de Châtillon, on passe près des mines de marbre (serpentine, de marbre vert) et on voit courir sur les versants les « ru
», canalisations et aqueducs d’irrigation construits au moyen-âge. Le premier village est Antey-Saint-André (l’ « Anthesins » des
Romains), ancien fief des seigneurs de Cly, doté d’une église paroissiale (Saint-André) créée au XIIe siècle et transformée par la
suite, qui a un portail en pierre du gothique tardif. D’Antey, on peut monter à la station touristique d’été de La Magdeleine.
On monte à Torgnon, qui eut un développement important, grâce à une mine de fer qui permit au XVIIIe siècle la construction
d’une fonderie, et qui explique la présence de population dès l’époque protohistorique. Elle appartint, comme Anthey, aux
seigneurs de Cly. On a connaissance de son église paroissiale dès 1413 ; Saint-Martin fut ensuite refaite à l’époque baroque. On
peut y voir encore d’anciens « rascards », greniers de paysans de la
Renaissance (Cf. ci-contre, rascard du XVIe siècle). On arrive ensuite à
Chamois, un des rares villages à n’avoir jamais construit de route d’accès,
mais qu’on n’atteint que par un chemin muletier (« Les seingles » = en latin «
cingula » = ceinture) ou un funiculaire. Là aussi, nombreux « rascards » bien
conservés du fait de l’isolement de la commune.
On passe une petite centrale hydroélectrique et on arrive au chef-lieu de la
vallée, Valtournenche, qui est un important centre touristique depuis les
premières entreprises d’alpinisme dans le Cervin (c’est la patrie de Jean
Antoine Carrel et on a disposé sur la place de nombreuses plaques
commémoratives aux guides célèbres comme Georges Carrel et l’abbé Aimé
Gorret). Le Cervin fut conquis en 1865. De la place on accède aussi au «
rascard » d’Entrèves, restauré et site d’expositions. L’église paroissiale date de 1420, reconstruite en 1856
La route continue, on passe près du gouffre de Busseraille, creusé par le torrent Marmore, une des marmites
de géants de la vallée. Près d’un tunnel, on observe des filons de roches colorées vertes ou jaune-vert
contenant des cristaux de roche. La route se termine à Breuil-Cervinia. Avant d’y arriver, on admire le Cervin reflété dans les eaux du Lac Bleu. Le village,
autrefois petite agglomération de paysans, avec des maisons de bois et de pierre, est devenu, à partir du développement de l’alpinisme, un ensemble
d’immeubles touristiques incohérent et sans plan ni recherche architecturale. On continue ensuite jusqu’au col de Teòdulo (3301 m.) qui fut un des grands points
de passage vers le Valais
d) Le Val d’Ayas à partir de Verrès. C’est la vallée du torrent Évançon (= « le torrent aux eaux claires »), appelé vallée de Challand dans la partie
inférieure : ce fut pendant 4 siècles un fief des Challant, jusqu’en 1424 où le duc de Savoie les nomma comtes, dont le dernier descendant mourut en 1802
(Notons que le nom de Challant, que nous rencontrons souvent, viendrait de « Tsallan » (= « le pré autour de la maison, comme « chalet »). La partie supérieure a
été colonisée par les allemands du Valais à partir du XIIIe
siècle (les Walser), grâce aux passages vers la Suisse des
cols des Cimes Blances et de Bettaforca.
En sortant de Verrès, on monte vers Isollaz, où on peut voir
la cascade du torrent Evançon (chute de 50 mètres) et la
Tour de Bonot ou des Signaux, puis on arrive à Challand
Saint-Victor, dont on peut visiter l’église paroissiale de
Saint-Victor, des XVe et XVIe siècles. Au-dessus du village,
la chapelle de San Massimo conserve encore des fresques de Giacomino da Ivrea (1400-1469 ?), un peintre naïf, de style plus
simple que ceux du Gothique International, mais qui eut beaucoup de commandes dans le Val d’Aoste et autour d’Ivrée. On
continue à monter vers Challand Saint-Anselme, où on exploita une mine de pyrite et de cuivre, puis vers les ruines du
château de Graines (Cf. les 2 photos ci-contre), construit par les moines de
l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaunes au XIe siècle, puis cédé aux Challand,
abandonné au XVIIIe siècle et restauré par Alfred d’Andrade (1839-1915). Une
légende raconte qu’il cacherait un trésor, gardé par une vache verte, que l’on ne
pourrait rechercher que deux jours par an, le Vendredi Saint et le jour de la
Saint-Jean...
La partie supérieure de la vallée est devenue un site touristique qui a un peu
gâché le paysage ancien, mais on peut encore y voir quelques maisons rurales
(la Maison du sel de Brusson, Maison Fournier d’Antagnod) et résidences
seigneuriales (Maison des Prieurs à Champoluc) du XVIe siècle et quelques
chapelles anciennes. On atteint la commune d’Ayas, dispersée en de nombreux
lieux d’habitation (Antagnod, Lignod, Champoluc, Saint-Jacques). Le territoire
fut probablement occupé par les Salasses, mais on y trouve des traces de
civilisation romaine (Antagnod = Ante lignum = avant la forêt). La conque d’Ayas
est dominée par le Mont Rose, dit « la montagne mère », dont le nom ne vient pas de la couleur,
même au coucher du soleil, mais du mot valdotain rouésa ou rouja qui signifie « le glacier » (en
latin = rosia). Il culmine à 4634 mètres à la Pointe Dufour De nombreuses promenades et
excursions sont possibles, été comme hiver, depuis la commune d’Ayas (Voir à gauche le col de
San Teòdulo).
e) La vallée de Gressoney. C’est la dernière vallée de la rive gauche de la Doire, à partir de
Pont-Saint-Martin, parcourue par le torrent du Lys (du nom romain Vallis Helia = vallée du soleil) qui
prend sa source dans les glaciers du Mont Rose. Elle est moins dégradée que les autres vallées
par les installations de grand tourisme. Elle est caractérisée par des différences ethniques
importantes : groupes d’origine franco-provençale dans la partie basse (Lilianes,
Fontanemore) et groupes d’origine allemande (les Walser, c’est-à-dire en allemand
les gens du Valais, venus au XIIIe siècle) dans la partie centrale et haute (Issime,
Gressoney) ; elle parle donc le « patois » franco-provençal en bas, le « töitschu »
dans le centre et le « titsch » dans le nord. Le second et le troisième sont des
variantes du dialecte allemand méridional, semblable au dialecte suisse allemand.
Cette pénétration de population allemande ne s’explique pas totalement, peut-être
est-elle due à une surpopulation du Valais et aux avantages économiques donnés en
Val d’Aoste par les moines de l’abbaye de Saint-Maurice qui eurent cette région en
fief à cette époque.
Les habitations (Cf. ci-contre, maison de Gressoney) comportent des « stadel » (les
« rascards » de la Val d’Ayas), « destinés à la conservation du fourrage et des
provisions, soutenus par de petits piliers en bois ou en pierre, surmontés de dalles de pierre rondes et plates (les « funghi » =
champignons) sur lesquelles reposent les poutres portantes ; cela avait pour fonction principale d’empêcher l’accès des rongeurs et
de préserver l’entière récolte de l’humidité. Les habitations sont en pierre (la partie inférieure) et en bois, avec un rez-de-chaussée
divisé en étable pour le bétail, cuisine et pièce d’habitation, et avec des étages supérieurs utilisés pour les chambres à coucher et,
sous le toit, pour la conservation du foin et des denrées alimentaires. Elles sont dotées de balcons avec une charpente typique en
bois, utilisée pour le séchage du seigle, de l’orge et du foin ; pour la couverture du toit, on
utilise de larges pierres plates appelées « loses » que l’on dispose sur un poutrage en
bois complexe » (Turin et Val d’Aoste, TCI et Biblioteca di Repubblica, 2005, p. 494).
On commence la remontée de la vallée et on arrive, après la conduite forcée d’une centrale hydroélectrique, à la Tour
d’Héréraz, construction romaine, puis maison forte au Moyen-Âge transformée en église en 1878, ce qui fit de la tour
un clocher. On passe ensuite à Lilianes (l’Insula Haeliana des Romains), avec son église paroissiale et son clocher
des XVIe et XVIIe siècles, puis à Fontainemore (évangélisée par Saint Maure au VIe siècle), qui a un pont antérieur à
1300 (Cf. photo p. suiv.). Les maîtres maçons de Fontainemore se déplaçaient en Savoie, dans le duché d’Aoste ou à
Turin, dans une émigration saisonnière. À l’entrée du site, fonctionne encore une belle fontaine, qui donne son nom au
village. Au nord du village, la Lys creuse son lit dans l’« orrido » de Guillemore. On arrive à Issime (l’Axima des
Romains), qui fut le siège du Tribunal. La façade de l’église San Giacomo Maggiore, du XIIIe siècle et reconstruite en
1683-84, est ornée d’un Jugement Dernier de 1698. Entre Issime et Gressoney qui sont de langue allemande, se trouve
Gaby (de « gab » = le torrent), qui est de culture et de langue franco-provençales, ancien fief des Vallaise ; on y voit
encore quelques maisons anciennes (maison Albert de 1676, Palatz à 5 étages de 1632) ; les cascades de Niel
comportent 4 chutes d’eau et ont un grand charme ; le sanctuaire de la Vierge des Grâces est de 1714-18, elle a des
fresques de Joseph Franz Curta (1827-1881), Mystères du Rosaire et Via Crucis.
On entre ensuite dans la plaine de Gressoney, où on passe d’abord au Castel Savoia (Cf. photo ci-contre), édifié en
pierre locale, en style néo-gothique, pour la reine Marguerite de 1900 à 1904, sur projet de l’ingénieur Emilio Stramucci
en 1899. Il sert aujourd’hui de lieu d’exposition et de concert ; à côté a été installé en 1990 un jardin alpin qui comprend
un millier de plantes alpines. Puis on arrive à Gressoney-Saint-Jean, dans un paysage de conifères et de prés, avec
ses maisons caractéristiques autour de l’église San Giovanni Battista (Cf. Photo ci-dessous à droite), construite en
1515, instituée en paroisse en 1660 et rehaussée au début du XVIIIe siècle, avec un clocher plus ancien que l’église.
Les maisons (Cf. photo ci-contre) sont à visiter : Maison du Gabelou (1626), Maison de l’écrivain (1806) et plusieurs
autres, éparses. On peut visiter aussi la Villa Marguerite (qui tient son nom du séjour de la reine de 1889 à 1903) construite en 1888 pour
la famille du baron Anton Beck Peccoz, aujourd’hui siège de la Mairie de Gressoney. Le village fut habité à partir du XIIIe siècle par des
allemands du Valais invités à venir s’installer dans cette région alors déserte par les moines de l’abbaye de
Saint Maurice, en échange de franchises importantes, dont la liberté du commerce. Un peu plus haut, on arrive
à Gressoney-la-Trinité, l’ancienne Treia de Grexoneto du XIIe siècle, signifiant peut-être le croisement de
trois voies pour la vallée centrale, pour le Val d’Ayas et pour la Valsesia en Piémont. Le village est un peu
dégradé aujourd’hui par les grandes implantations touristiques.
Le Mont Rose fut gravi pour la première fois par le médecin Pietro Giordani en 1801, après l’ascension des
glaciers du Lys à 4000 mètres en 1778 par un groupe d’habitants. La pointe qu’atteint Giordani (4046 m.) prend
son nom. En 1819-1820, deux autres expéditions (Jean Nicolas Vincent, Joseph Vincent et Joseph Zumstein) atteignent la première
pointe Vincent (4215 m.) et la pointe Zumstein (4563 m.). En 1842, le père don Giovanni Gnifetti, curé d’Alagna, atteint 4559 mètres
(Pointe Gnifetti), et en 1855 une expédition, guidée par l’anglais Hudson, atteint
enfin la Pointe Dufour (4634 m.).
Un funiculaire relie les pistes de Gressoney et Champoluc avec Alagna Valsesia, de
l’autre côté de la montagne, au Piémont.
B – Sur la rive droite de la Doire Baltée
a) La vallée de la Valgrisenche. Elle commence à
Liverogne où la Doire de Valgrisenche se jette dans la Doire
Baltée. Elle fut toujours étroitement contrôlée par les
seigneurs d’Avise, sous l’autorité des Savoie, car c’était un
passage possible pour Chambéry par le col du Mont (2639
m.) qui communiquait avec la Tarentaise. Elle avait aussi
d’étroits contacts avec la vallée de Rhêmes et par là avec la
Valsavarenche.
On passe à Rochefort le sanctuaire, d’où on a un beau panorama sur la vallée et le premier village
est Planaval, dominé par les ruines du château de Montmayeur et par la maison forte érigée par les
Avise en 1312, et où on trouve encore quelques maisons rurales anciennes de qualité. On monte ensuite jusqu’à
Valgrisenche, chef-lieu de la vallée, dans son bassin de prés et de forêts. Sur la petite place, église de Saint Grat, avec
son clocher roman de 1398 et son petit musée d’art sacré ; elle remplace l’ancienne église construite en 1392. Le
habitants pratiquent encore le tissage du « drap », un tissu rustique de laine de brebis, fait sur les anciens métiers à
tisser, qu’on peut voir dans un salle d’exposition de la Coopérative, ouvert en 2009.
La vallée est ensuite fermée par la digue du lac de Beauregard, réservoir de la Centrale créée en 1967 qui alimente la
centrale d’Avise. On peut monter ensuite jusqu’à Bonne, Surier et le refuge Bezzi et faire une excursion au col du
Mont.
b) La vallée de Rhêmes. C’est la vallée de la Doire de Rhêmes qui débouche à Villeneuve, avant Aoste, c’est
une des vallées qui parcourent le Parc National du Grand Paradis. « Bien peu de vallées offrent un tel silence poétique,
une semblable intimité de haute montagne habitée, et un sens pastoral si marqué » (Turin et Val d’Aoste, TCI, op. cit.,
p. 629). Un développement touristique bien contrôlé a permis de ne pas dégrader les villages anciens et les paysages
naturels. On arrive d’abord à Introd (= entre eaux, entre la Doire de Rhêmes et le torrent Savara), village déjà connu au
néolithique ; il est dominé par son château (Cf. photo ci-contre), dont le donjon existait déjà en 1244, quand Guillaume
Sarriod d’Introd eut l’autorisation de le couvrir de créneaux carrés, mais il remonte probablement au XIIe siècle ; il prend
au XVe siècle une forme polygonale presque arrondie ; après les restaurations de 1912-15, il ne reste de l’ancienne
structure que la tour, l’ancienne cuisine et 17 mètres de mur extérieur. Près du
château, on visitera aussi l’Ola, ancienne construction rurale du XVe siècle destinée à
emmagasiner les produits agricoles et à abriter les animaux. L’église paroissiale est
ancienne, mais refaite en 1686, date de son autel baroque. Les deux ponts sont de
1827 et de 1915, ils ont remplacé l’ancien pont en bois.
Le village suivant est Rhêmes-Saint-Georges, un des villages les plus
anciens, puis Melignon et Rhêmes-Notre-Dame (Cf. Photo ci-contre) ;
villages agricoles, ils s’orientent de plus en plus vers l’agriculture biologique.
Chaque année a lieu une fête du sanglier.
C’est un des points de départ importants des promenades dans le Parc du
Grand Paradis. Au bout de la route, un sentier monte jusqu’au refuge
Benevolo (2285 m.).
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Une région de châteaux
On a vu que le Val d’Aoste était constellé de châteaux. Ils étaient à l’origine des
éléments du système de défense ou de contrôle des premiers habitants de l’âge
du Fer, puis des Salasses puis des Romains. Les tours de guet apparaissent
vers le Xe siècle, lorsqu’il fallut résister à l’invasion sarrasine. Ce fut le cas à
Pont-Saint-Martin,, Bard, Chatel-Argent, puis Arnad, Morgex, Donnas, etc. Mais
le château proprement dit apparaît au XIe siècle avec le développement de la
féodalité, non plus simplement tour de défense mais lieu d’habitation du
seigneur féodal doté d’une chapelle et de murailles de plus en plus amples
situées sur des hauteurs parfois difficilement accessibles, comme dans ces
châteaux romans de Bard, Introd, Sarre, Cly, Arvier, La Salle, Quart... On
réutilise aussi les tours romaines d’Aoste.
À partir du XIVe siècle, le chateau, de style gothique, reste moyen de contrôle et
de défense, mais développe le lieu de résidence de cours seigneuriales, comme
à Fenis, à Verrès, Ussel, Châtillon ... où se pratique l’art de la décoration en
style gothique international (Voir ci-contre) des chambres et des chapelles. les
grandes familles comme les Challand, ou les Vallaise ont une part importante
dans cette culture. Cette fonction résidentielle devient centrale à la Renaissance
et dans les siècles suivants, en même temps que l’apparition des armes à feu
oblige à transformer et à renforcer les remparts, comme dans le château
d’Aymavilles, qui connut toutes les phases d’évolution depuis le XIIIe siècle,
celui d’Arnad, de Châtillon, etc. Le seul château reconstruit au XIXe siècle fut
celui de Bard, après sa destruction par Napoléon.
Aujourd’hui, les châteaux les plus importants (Fenis, Issogne, Verrès, Quart,
Ussel ...) sont rachetés par la Région qui y installe des Musées ou des lieux
d’exposition. On peut compter une quarantaine de châteaux, tours ou maisons
fortes dignes d’être visités, dans des paysages généralement exceptionnels
Le style gothique international
À partir de la fin du XIVe siècle et des débuts du XVe se développe cet
élément nouveau qu’est la cour seigneuriale. Poussée par les progrès des
villes et de la bourgeoisie marchande, les aristocrates de l’ancienne
féodalité se renferment dans leur cour, faisant de leur château le lieu d’une
nouvelle culture, « courtoise ». Deux ouvrages expriment bien cette
idéologie, Le Courtisan de Baldassare Castiglione, paru en 1527 et
L’Iconologie de Cesare Ripa, paru en 1593. C’est la reprise modernisée de
l’ancien esprit chevaleresque et c’est l’époque où la littérature exploite les
anciennes chansons de gestes : Boiardo, l’Arioste, Le Tasse. Mais cet esprit
de cour va susciter aussi une abondante production artistique : les peintres
doivent décorer les chambres, les pièces de réception, les chapelles des
châteaux, de façon différente selon les régions. Dans le Val d’Aoste, c’est la
permanence de l’aristocratie féodale qui inspirera cet art et le prolongera
jusqu’à la fin du XVe siècle. Ce gothique, que l’on appellera « international »
parce qu’il se développe dans toute l’Europe entre 1370 et 1450, est un art
de transition entre les certitudes médiévales et l’affirmation pleine et entière
de l’humanisme renaissant. C’est un art élégant, qui représente volontiers
un monde idéal clos dans un jardin paradisiaque, plein d’allégories de
l’amour (mais aussi de danses macabres !). En Italie, ce sont parfois les
bourgeoisies devenues de nouvelles aristocraties qui utilisent souvent ce
style ; mais dans le Nord (Piémont, Val d’Aoste, Lombardie en particulier),
ce sont les cours des anciennes aristocraties maintenues au pouvoir. On
connaît un peu des peintres comme Michelino da Besozzo, Giovannino dei
Grassi, onifacio Bembo, Pisanello ou Gentile da Fabriano. Mais on connaît
moins celui qui fut le grand maître de la peinture de ce style du Piémont et
du Val d’Aoste que fut le turinois Jacopo Jaquerio (1375-1453), influencé par
un artiste nordique, Jean Bapteur de Fribourg (actif entre 1427 et 1457). Il
travaille au château de La Manta, à l’abbaye de Ranverso, ente Rivoli et
Avigliana, sur la route « francigena », à Aoste et quelques autres lieux.
L’ascension du Cervin
Le Mont Cervin est un pic haut de 4478 mètres, symbole du relief alpin. Son nom latin
était Mons Sivinus (ou Mons Silvus), devenu Mont Servin. C’est une parfaite pyramide
à base quadrangulaire, avec 4 crêtes et 4 pentes. Le mont est resté inviolé jusqu’en
1857 : il était considéré comme « inaccessible ». C’est à cette date que des Valdotains,
Aimé Gorret, Jean-Antoine et Jean-Jacques Carrel, commencent à penser à son
ascension ; ils furent suivis par des Anglais guidés par John Tyndall (1820-1893) en
1862 ; il y eut ensuite de nombreuses tentatives non réussies. C’est seulement en
1865, après la réation du CAI (Club Alpino Italiano) en 1863 à Turin, que les Anglais
Edward Whymper (1840-1911), Hawkins, Parker, l’Autrichien Thomas Stuart Kennedy
(1841-1894) et les Valdotains Georges Carrel (1800-1870), chanoine en
Valtournenche, et l’abbé Aimé Gorret (1836-1907) tentèrent à nouveau l’escalade. La
première réussite fut celle du groupe de Whymper, le révérend Charles Hudson (1828-
1865), le Docteur Douglas Robert Hadow, Lord Francis Douglas, le guide chamoniard
Michel Croz et les deux Peter Taugwalder, par le versant suisse de la crête du nord-est.
Au retour, 4 d’entre eux se tuèrent dans une chute de 400 m. suite à la rupture d’une
corde (et d’une négligence de l’un d’entre eux ?). Deux jours après, les Italiens
renouvelèrent l’exploit : Jean-Antoine Carrel, Jean-Baptiste Bich et Aimé Gorret (17
juillet 1865). En 1867, Jean-Noël Maquignaz ouvrira une voie plus rapide par la crête
sud ouest. Les autres crêtes seront conquises peu à peu ; Walter Bonatti fera
l’escalade en solitaire du 18 au 22 février 1965. En 1890, Jean- Antoine Carrel mourut
d’épuisement pour sauver un client emmené au sommet du mont (Croix Carrel aux
pieds du Cervin). Une autre arête du Cervin, le Zmut, fut gravie par Albert F. Mummery,
Alexandre Burgenet, J. Petrus et A Gentinetta. L’un des alpinistes qui en réussit
l’ascension fut Louis-Amédée de Savoie (1873-1933), duc des bruzzes, en 1893 ; au
pied du Cervin, un refuge porte son nom, au-dessus de Breuil-Cervinia.
San Teòdulo (ou : Teodoro II)
Il fut le premier évêque de Sion dans le Valais, entre le Ve et le
VIe siècle. Le roi de Bourgogne Saint Sigismond (mort en 524)
avait fait transférer à Sion, nouveau chef lieu du Valais, le siège
du diocèse de Martigny. Teòdulo suggéra au roi, en 515, de
construire l’abbaye de San Maurizio, à Agaune, en honneur des
martyrs de la Légion Thébaine. La légende d’un miracle en a fait
le protecteur des vignes et des vignerons, représenté avec une
grappe dans chaque main.
Le Mont Cervin
Texte en töitschu d’Issime
« Méin oalten atte ischt gsinh van in z'Überlann, un d'oaltun mamma ischt
van Éischeme, ischt gsing héi van im Proa. Stévenin ischt gsinh dar pappa,
la nonna ischt gsinh des Chamonal. [...] D'alpu ischt gsinh aschua van méin
oalten pappa. Ich wiss nöit ol z'is heji... Ischt gsinh aschuan d'oaltu, un
d'ketschu, gmachut a schian ketschu in z'Überlann. Méin pappa ischt gsinh
la déscendance, dschéin pappa, aschuan méin oalten atte, ischt gsinh
aschuan doa .. Vitor van z’Überlann. Un té hedder kheen a su, hets amun
gleit das méin pappa hetti kheisse amun Vitor. Eer het dschi gwéibut das
s’het kheen sekschuvöfzg joar un het kheen zwia wetti das .. zwienu sén
gsinh gmannutu un zwianu sén nöit gsinh gmannutu. Dsch’hen génh
gweerhut middim un dschi pheebe middim. Un darnoa ischt mu cheen a
wénghjen eina discher wettu[1]»
Sa traduction en Italien
« Mio nonno era di Gaby e mia nonna era di Issime, era di qua del Praz.
Stévenin era il papà, la nonna era della famiglia Chemonal. [...] L’alpeggio [nel
vallone di Bourinnes] era forse di mio nonno. Non so se fosse dalla parte
paterna, sai ? Era già dei vecchi, e avevano la casa, una bella casa a Gaby.
Vittorio, mio papà era della descendance, suo papà, mio nonno, era di là ..
Vittorio di Gaby. E poi ha avuto un figlio, e gli ha dato il suo nome, così che
mio papà si chiamava di nuovo Vittorio. Lui si è sposato che aveva 56 anni ed
aveva quattro sorelle che due erano sposate e due non lo erano. Hanno
sempre lavorato e vissuto con lui. E poi è mancata una di queste sorelle»
Lac de Beauregard