Nouvelles de ces derniers temps : édition du 25 septembre 2017
Nouvelles de ces derniers temps - 25 septembre 2017
* Vie politique : Quelle loi électorale ?
La classe politique italienne est tout entière occupée par la préparation des prochaines élections législatives (de janvier 2018 … ?), et par les
élections en Sicile qui en seront un préambule en novembre prochain. Il n’y a même pas encore de loi électorale, et on cherche à convaincre les
électeurs que ce n’est qu’un problème technique trop compliqué pour eux ; la seule préoccupation des politiques est de savoir qui contrôlera le Parlement
dans la prochaine législature.
Rappelons qu’en Sicile, il semble que l’on aille vers une alliance entre Renzi et le Centre Droit d’Alfano, en faveur de
Fabrizio Micari, cela isolerait tout le Centre Gauche qui devrait se trouver un autre candidat, peut-être Ottavio Navarra
(originaire de Rifondazione Comunista). Au contraire Berlusconi tente de rallier toute la Droite, en faisant une alliance avec
la Ligue du Nord de Matteo Salvini et et avec le groupe de centre droit de Giorgia Meloni (ci-contre sa photo en 2014), Fratelli
d’Italia-Alleanza Nazionale, derrière la candidature de Nello Musumeci. Le M5S s’en va seul de son côté avec son candidat
Giancarlo Cancelleri, mais tout cela n’est qu’une première répétition des élections nationales.
Et derrière, il y a les pressions italiennes et internationales qui veulent un Parlement sous contrôle, qui pourrait aussi bien
dériver vers le régime autoritaire de type présidentiel, que semble souhaiter Matteo Renzi ; mais pour cela, il faudrait annuler
la Constitution « républicaine » qui ne permet pas un système qui accorde la majorité des sièges (53%) à celui qui arrive le
premier, n’eût-il que 40% des voix : c’est ce qu’a aussi confirmé le « non » au référendum de Renzi le 4 décembre 2016, ce
système « majoritaire » interdisait en réalité aux citoyens de choisir vraiment leurs représentants. Il faudrait en finir avec les
lois « Porcellum » et « Italicum » (Voir notre dossier explicatif sur l’histoire des lois électorales). Un « Coordinamento Democrazia Costituzionale
» (Coordination Démocratique Constitutionnelle) est en place pour faire répondre « non » à toute initiative parlementaire anticonstitutionnelle. Réussira-t-il
?
Qui va arriver le premier ? le Parti Démocrate (PD) ou le Mouvement 5 Étoiles (M5S) ? Chacun est prêt à tout, à toutes les alliances, pour gagner :
au diable les problèmes de fond qui préoccupent les Italiens, que l’on ne voit que sous l’angle de l’élection ; il faut gagner. Pour faire quoi ? on verra
après, selon ce qui nous permettra le mieux de rester au pouvoir ! Alors tout est dans les débats télévisés qui permettront de disqualifier au maximum
l’adversaire, y compris en donnant de fausses nouvelles (les « fake news » à la mode), en racontant des mensonges ou n’importe quoi pourvu que ça
fasse douter de l’autre ; et on va par exemple discuter sans fin pour savoir si le représentant du M5S a vraiment été saluer les dépouilles de saint Janvier
à Naples … (Voir plus loin).
Alors, pour essayer de raccrocher la gauche à son projet, Renzi propose un deuxième projet, un « Mattarellum renversé » : 64% du Parlement (ce serait
valable pour la Chambre des Députés et pour le Sénat) serait élu au système proportionnel (mais avec un barrage pour les partis qui n’obtiendraient pas
5% des voix, ce qui éliminerait tous les « petits » partis) et 36% selon un système uninominal majoritaire. Le nom du chef de groupe du PD à la Chambre,
défenseur de ce système, Ettore Rosato, fait qu’on l’appelle déjà le « Rosatellum ». On en est déjà à un « Rosatellum bis et ter » ! Nous en sommes à la
4e version du projet. Mais quel est en réalité le contenu du projet ? D’abord les 611 parlementaires (399 députés et 212 sénateurs) élus au suffrage
proportionnel seront choisis par les partis sur des listes bloquées, et les pluricandidatures sont maintenues, au
nombre de 3 : cela veut dire que l’électeur ne pourra pas vraiment choisir son député, il n’aura de choix qu’entre
le « oui » et le « non ». On note par ailleurs le retour des coalitions, qui faciliteront les choses pour l’élection
mais rendront le gouvernement plus difficile : on pourra en effet s’allier à la gauche dans une circonscription et à
la droite dans une autre. Quelle confusion pour l’électeur moyen, et quelle source d’abstentions ! Comme a dit un
journaliste, « le Rosatellum est un grand Bordellum » !
Et Renzi continue à tenter aussi de vouloir contrôler la Télévision, où l’exclusion de la grande journaliste qu’est
Milena Gabanelli (qui travaille avec passion à la RAI (ci-dessous, Milena Gabanelli et ci-dessus le siège de la Rai) depuis 35
ans) fait scandale, elle a refusé tous les placards qu’on lui offrait et elle s’est « autosuspendue » sans salaire jusqu’à ce que
ça change. Renzi nomme des hommes à lui, comme Mario Orfeo, actuel directeur général de la Rai et de Rai News, Andrea
Montanari, Andrea Fabiano, Ilaria Dallatana, Stefano Coletta, Luca Mazzà, et plusieurs autres (Voir l’article de Il Fatto
Quotidiano du 7 septembre 2017).
Renzi veut contrôler de la même façon une entreprise comme la SIAE (Società Italiana Autori e Editori), l’équivalent de la
SACEM française : il vient de nommer comme responsable de la communication de l’entreprise Andrea Ettorre, un ancien
fonctionnaire de la commune de Florence, fidèle de Renzi. Objectif : conserver à la SIAE le monopole de la gestion des
droits d’auteur et être maître de son visage public.
Voir aussi un article précis et divertissant de Diego Pretini dans Il fatto quotidiano du 17 août dernier, qui montre combien Renzi reprend maintenant dans
ses discours les propos tenus auparavant par Berlusconi, voire par la Ligue du Nord.
* Le problème de l’immigration :
On discute dur sur le « Jus soli » (le droit du sol) que le PD s’était engagé à faire voter avant la fin de la législature ; maintenant vue l’opposition de la
droite, avec laquelle il gouverne, il cède et il a déclaré qu’on ne pourrait pas le voter pour le moment. Forza Italia (Berlusconi) et le Nouveau Centre Droit
(NCD d’Alfano), qui sont contre, triomphent. C’est un aspect du problème actuel des migrants.
On sait que les ONG italiennes ou allemandes (que certains membres du gouvernement italien appellent « les taxis de la mer » !) qui allaient sauver les
migrants risquant de se noyer parce que la barque de leurs passeurs était en train de couler, ont été accusées de collusion financière avec les passeurs et
de constituer un appel d’air pour les migrants aspirant à venir en Europe; cela a fait diminuer le nombre d’arrivées de migrants en Italie, et permis au
gouvernement d’accentuer la pression sur l’Union Européenne qui manque de toute politique cohérente et réfléchie sur ce problème.
Mais la presse italienne, reprise par Le Monde du 15 septembre qui y consacre 2 pages, informe que M. Marco Minniti, Ministre de l’Intérieur italien du
gouvernement Gentiloni, aurait multiplié les rencontres avec les dirigeants locaux libyens et avec les chefs de tribus, et
aurait même pactisé avec les groupes mafieux de passeurs et avec leurs milices pour les « aider » à maintenir les
migrants africains en Libye, où l’on sait combien ils sont maltraités, emprisonnés, torturés jusqu’à ce qu’ils payent à
nouveau pour obtenir un nouveau passage. Il aurait remis une somme de 5 millions de dollars à la milice d’Ahmed Al-
Dabbashi qui domine le trafic de migrants (Corriere della Sera du 9 septembre). Emma Bonino a dénoncé ces compromis
avec les milices libyennes : « Nous nous sommes mis à la merci de ceux qui étaient des trafiquants et aujourd’hui gèrent
l’anti-trafic ». En attendant, les naufrages continuent et les migrants sont toujours extorqués.
Le gouvernement italien nie, bien sûr, et le ministre de l’Intérieur est aux abonnés absents, bien que le président de la
République et le Premier ministre lui aient donné leur soutien. Comme dit Le Monde, Minniti est un « pur produit du parti
communiste italien » des années 1980, bénéficiant maintenant des jeux de « chaise musicale » du PD et du NCD, Alfano
passant du ministère de l’Intérieur aux Affaires Étrangères et Gentiloni des Affaires Étrangères à la présidence du Conseil.
Minniti est maintenant en tête des sondages, et pourrait même concurrencer Renzi pour la première place, … si ses
magouilles libyennes ne le compromettent pas trop ! Mais le 12 septembre dernier, Marco Travaglio, directeur de Il fatto
quotidiano, déclarait avec quelque raison : « Je crois que Renzi restera agrippé à la charge de candidat premier jusqu’au
bout, au risque d’entraîner son parti au désastre … c’est une personnalité trop égocentrique et égotiste ». Et Minniti
commence juste à être un peu connu.
Mais il faut bien voir que le problème des réfugiés est surtout jugé en fonction
des réalités électorales intérieures ; le PD s’est aperçu qu’aux dernières
élections, il avait perdu dans les communes hostiles aux migrants ; or, comme son objectif actuel est de
gagner les prochaines élections, fini le temps où le PD proclamait « Nous sommes pour une Italie
multiethnique, pluraliste, libre où ne comptent ni la couleur de la peau, ni la race, ni la religion, mais plutôt
l’honnêteté et la sincérité du cœur » (déclaration de Giovanna Melandri, représentante du PD d’autrefois). Au
diable les valeurs si elles doivent nous faire perdre le Palazzo Chigi !
Et même à Rome, mi-août, on a fait expulser des centaines de
migrants érythréens et éthiopiens, accueillis légalement dans un immeuble vide de Piazza Indipendenza : 500
policiers sont intervenus pour protéger les droits de la Société Immobilière Fons Omega, propriétaire de l’immeuble
; la Mairie ne leur offre en échange que des logements à l’autre bout de la ville ou à Rieti, bouleversant entre
autres l’intégration des enfants dans les écoles locales depuis plusieurs années. Ils brandissent des pancartes :
« Nous ne sommes pas des terroristes, nous voulons une maison ». Ils vont s’installer dans la rue où on a jeté
toutes leurs affaires, et contribuer ainsi à mécontenter les Romains ; tant mieux, cela nous gagnera quelques
électeurs de plus, se disent les élus du PD ! Là encore, que fait-on de la Constitution et des droits humains ? Ah,
les élections, vous savez … !
En août dernier, le grand journaliste Gad Lerner a annoncé qu’il quittait le PD, la position du Parti contre les ONG
qui sauvaient les migrants ayant fait déborder le vase, manifestant l’abandon par le PD de ses valeurs les plus
essentielles pour les quelles Gad Lerner avait participé à sa fondation.
* L’Italie est le pays européen où l’esclavage est encore le plus important : dans l’agriculture, plus
de 100.000 personnes en sont victimes, et pas seulement des immigrés. C’est ce qu’affirme le centre
britannique d’études Verisk Maplecroft, qui place l’Italie au dernier rang des pays européens avec la
Bulgarie, Chypre, la Grèce et la Roumanie. C’est d’abord l’un des pays qui a accueilli le plus d’immigrés qui
ont augmenté le nombre de « personnes vulnérables » qui peuvent être la proie des mafias au service de
propriétaires exploiteurs. Mais cela n’est possible que parce que le système d’exploitation fonctionne déjà
pour les Italiens, disent les centres d’études : des 100.000 exploités que dénonce le centre, 80% seraient des
immigrés, mais 20% seraient des Italiens. L’étude cite la récolte des tomates dans les Pouilles, la Sicile et les
Marais Pontins, mais aussi les vignes du Piémont, car c’est un phénomène fluide, qui peut aussi se déplacer
selon les besoins de main-d’œuvre et selon les saisons ; et les exploités sont aussi divers, indiens, africains,
personnes de l’est européen, chinois, femmes venues du Pakistan et du Bangladesh.
L’agriculture n’est pas le seul domaine où l’on constate ce type d’exploitation : il faut ajouter la construction, les services, et la prostitution où sont
dominantes les mafias de l’est et du Nigéria. Le marché est estimé à environ 90 millions d’euros par mois, pour un nombre de jeunes femmes estimé à un
chiffre de 75.000 à 120.000 dans tout le pays ; parmi celles-ci, on parle en particulier des roumaines qui travaillent dans les champs la journée et sont
contraintes d’être ensuite les objets sexuels des patrons.
En 2012, la Fiat CGIL avait publié un rapport accablant sur les mafias agraires et le travail noir dans le nord de l’Italie.
Le 22 septembre, les carabiniers de Cosenza ont sanctionné une entreprise de « caporalato » qui faisait travailler des ouvriers au noir, où les
ouvriers blancs étaient payés 35 euros par jour et les noirs 25 euros comme les Roumains et les Indiens. Les deux frères propriétaires de l’entreprise
agricole ont été arrêtés et risquent, outre la confiscation de leurs biens, jusqu’à 6 ans de réclusion et une amende de 500 à 1000 euros pour chaque
travailleur exploité, selon la loi spéciale d’octobre 2016. C’est la deuxième opération de ce genre dans la région.
Pas étonnant que sur nos marchés français les fruits et légumes importés d’Italie soient si bon marché !
* En Italie, le fascisme est toujours là :
C’est précisément le « Jus soli » qui décide Forza Nuova à organiser le 28 octobre 2017 une « Marche des patriotes » : c’est la date du 95e
anniversaire de la Marche sur Rome de Mussolini en 1922, qui marque le début de l’ère fasciste par la désignation de Mussolini comme chef du nouveau
gouvernement. L’appel déclare « Drapeaux, banderoles, voitures, autocars, essence » et reprend l’appel fasciste « Marciare per non marcire » (Marcher
pour ne pas pourrir). On va voir si le gouvernement sera aujourd’hui plus capable de résister à cette nouvelle initiative que celui de 1922, et s’il aura le
courage d’interdire ce projet de marche. Des députés de Sinistra Italiana et du PD ont déjà demandé cette interdiction et la dissolution de l’organisation
fasciste Forza Nuova ; et Virginia Raggi, la Maire de Rome, a dit : « La Marche sur Rome ne peut pas et ne doit pas se répéter ».
La provocation fasciste est ainsi constante : elle organise par exemple des « rondes de nuit contre la criminalité
extracommunautaire », fait des menaces aux prêtres de paroisse qui aident les immigrés, réutilise contre les
immigrés d’anciens manifestes de l’époque fasciste, par exemple celui où l’on voit une femme violée par un
Africain avec la mention « Défends-la, ce pourrait être ta mère, ta femme, ta sœur, ta fille ». Et récemment,
Roberto Fiore, un des fondateurs de Forza Nuova en 1997, invitait à des « Promenades pour la sécurité contre la
criminalité extracommunautaire », que le préfet de Rome a interdites dans la ville. Fin août 2017, don Massimo
Biancalani, prêtre de Pistoia, a été menacé parce qu’il avait accompagné des immigrés se baigner dans une
piscine. Le 23 septembre, Forza Nuova de La Magliana, un quartier périphérique de Rome a dû être dispersée
par la police qui a procédé à 15 arrestations d’adhérents de l’organisation.
Rappelons que Forza Nuova est une organisation d’extrême droite créée en 1997 par Roberto Fiore (1959- ) et Massimo Morsello (1958-2001), condamné
à 9 ans de prison en 1980 pour l’attentat de la gare de Bologne. L’organisation lutte contre l’avortement, contre l’immigration, contre la mafia, contre la
monnaie d’État, pour la reprise de l’accord de 1929 entre l’Église et l’État et de la « religiosité chrétienne », pour la suppression des régions, pour
l’abolition du capitalisme … Le Parti a obtenu environ 0,24% des voix aux dernières élections.
Et si on regarde des publications comme Il Borghese, on peut s’apercevoir combien la propagande fasciste est présente et pernicieuse. Fiore dit par
exemple qu’il n’est pas « néofasciste » (c’est interdit par la constitution), mais « national populaire » et que « les notions de droite et de gauche sont
dépassées » ! Il a pourtant déjà été condamné en 1985 pour « association subversive et bande armée », bien qu’il semble avoir fait partie des Services
Secrets Britanniques pendant la guerre. En 2012, Forza Nuova a été reconnue responsable de plus de 50 agressions racistes contre des bengalais, et
accusée depuis d’antisémitisme, de xénophobie et d’homophobie. L’organisation est liée à Provita, organisme de défense
de la « famille traditionnelle », dirigée par deux filles de Fiore.
Le 27 août dernier, Mgr Giovanni Ricchiuti, l’archevêque président de Pax Christi, a confirmé dans une interview à Il Fatto
Quotidiano, qu’il y avait des liens entre Forza Nuova, Casa Pound et « certains milieux ecclésiastiques ». Il soutient don
Biancalani, de même que l’évêque de Pistoia, Mgr Fausto Tardelli, qui a tout de même fait remarquer au prêtre qu’il avait
sans doute exagéré en commettant cet acte dans une ville où le centre droit l’a emporté aux dernières élections !
Casa Pound est une organisation « nationaliste-révolutionnaire » et néofasciste fondée à Rome en 2003 par l’occupation
d’un centre social qui s’est développé ensuite dans toute l’Italie, en référence à l’écrivain fasciste Ezra Pound (1885-
1972). Son emblème est une tortue stylisée à carapace octogonale.
L’archevêque Ricchiuti déclare aussi sur l‘immigration : « Molti osservatori molto più competenti di me hanno da tempo
sottolineato che coi rifugiati è inutile usare barriere, muri, fili spinati, centri di espulsione. Siamo davanti a un
cambiamento storico che vede giovani africani alle prese coi loro problemi di fame, violenze, guerre, mancanza di
prospettive. La terra non è di nessuno. Per noi che abbiamo un orizzonte religioso, trascendente, la terra ci è
stata data. Ogni persona umana ha quindi gli stessi diritti, nel rispetto delle leggi che devono, però, avere delle maglie
larghe quando si rivolgono a persone che scappano dalla guerra, dalla fame e dalla violenza. Non vedo perché non ci si
renda conto di questo. Come ci stiamo abituando ai cambiamenti climatici e conosciamo le cause ma non siamo capaci di
affrontarle, così quello dei rifugiati è un fenomeno di questa nostra epoca. Non possiamo negarlo. Io credo che tra 200-300 anni quando scriveranno la
storia di questo secolo diranno che c’è stato questo fenomeno e che le società sono multietniche per questo motivo » (mis en caractères gras par nous.
J.G.). L’archevêque rappelle ensuite le beau travail effectué par le bienheureux Oscar Arnolfo Romero, assassiné en 1980 par un militant d’extrême droite
pour le punir de son action pour les pauvres, accusée par l’extrême droite catholique de soutenir ainsi la lutte armée.
Encore un fait amusant : le 24 août, un incendie a détruit une ancienne inscription fasciste sur le
mont Giano, à Antrodoco (province de Rieti dans le Latium), un immense « DUX » dessiné par des
plantations de 20.000 pins, restauré en 2004 sur les fonds de la Région ; le maire de la Commune a
déclaré : « Je suis détruit, une pièce importante de notre identité est partie en fumée (…) Je me suis
toujours battu pour défendre un monument national, fruit du travail de tant de gens de ma terre ». Casa
Pound a insisté : « L’histoire ne s’efface pas » et propose d’être volontaire pour replanter cette
inscription « qui a résisté à 70 ans d’antifascisme ». C’est vrai qu’on ne doit pas effacer l’histoire, mais
c’est aujourd’hui une manifestation significative de la lutte qui continue à être menée entre fascistes et
antifascistes comme tous ceux qui ont téléphoné à la Mairie pour dire leur indignation que l’on
maintienne encore un tel monument.
* En octobre auront lieu deux referendums sur l’autonomie de la Lombardie et de la Vénétie, voulus par
la Ligue du Nord, Roberto Maroni, Président de la Lombardie, et Luca Zaia, Président de la Vénétie, au nom de
l’article 116 de la Constitution. En cas de « oui », ces deux régions pourraient donc venir s’ajouter aux 5 déjà
existantes (Sicile, 1946 ; Trentin - Haut Adige, 1948 ; Valle d’Aosta, 1948 ; Sardaigne,1948 ; Frioul-Vénétie
Julienne, 1963). Il s’agit d’un referendum « consultivo » (consultatif) créé en 1989 (loi des 2 et 3 avril adoptée à
l’unanimité des 2 Chambres) et qui n’a servi qu’une fois la même année pour établir le
mandat constituant du Parlement européen. Les 2 présidents de région réclament surtout
l’autonomie financière, ce qui permettrait par exemple à la Lombardie de garder 90% des
revenus fiscaux. Maroni estime à 27 milliards la somme supplémentaire qui reviendrait à la
Lombardie.
En réalité, ce type de référendum n’a pas d’efficacité juridique : ces référendums sont donc inutiles, il suffirait aux Régions
d’invoquer l’article 116 de la Constitution pour demander à l’État une plus grande autonomie des régions ; de plus l’argent obtenu en
plus correspondrait à une délégation de l’État à la région de nouvelles activités qu’il lui faudrait donc financer. La demande de ces
référendums du 22 octobre n’est donc rien d’autre qu’une manœuvre politique de la Ligue du Nord. Et pourtant ces référendums vont
coûter environ 50 millions d’euros. Ajoutons que des tentatives semblables ont déjà été faites par ces deux régions, sans aucun
résultat. Alors, c’est en vue des élections législatives de l’an prochain … ?
* Rappelons que le 23 août dernier a été célébré le 90e anniversaire de l’exécution aux Etats-Unis de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti ; ils
n’étaient pas coupables du crime dont on les accusait, mais ils étaient italiens et anarchistes donc
criminels, et ils furent exécutés ce jour-là. Les derniers mots de Vanzetti au procès furent : « Nous
n’avons tué personne, mais vous nous condamnez parce que nous sommes radicaux et anarchistes, et
c’est vrai que nous le sommes, parce que nous sommes pauvres, parce que nous sommes italiens,
c’est vrai que nous le sommes ». Plus de 400.000 personnes, indignées et en colère, avaient participé
à leurs funérailles, en disant que la justice avait été crucifiée. C’est l’occasion de revoir le beau film de
Giuliano Montaldo (1971, d’où est extraite la photo ci-contre) et de réécouter la chanson de Joan
Baez, en pensant à toutes les victimes qu’une justice de classe fait encore aujourd’hui dans les pays
dictatoriaux et a fait dans nos propres pays, tuant tantôt les « sorcières », tantôt les « hérétiques »,
les subversifs, les gays, les noirs, etc.
* Tandis que l’Église Catholique continue à refuser les couples gays, revenant sur les quelques ouvertures d’il y a trois ans
dans le Synode sur la famille, l’Église Évangélique Vaudoise italienne vient d’approuver la bénédiction des couples de fait,
y-compris homosexuels, dans son dernier Synode. Ce pas en avant va-t-il pousser les Catholiques à une autre réflexion ?
(Voir dans nos mots clé, le dossier sur l’histoire des Vaudois dans « Piémont (le Piémont et les Vaudois »). Ci-contre, le
chandelier symbole de l’Église Vaudoise.
* Venise, le MOSE (= MOdulo Sperimentale Elettromeccanico) et la corruption :
On n’a pas beaucoup informé sur les condamnations prononcées pour corruption dans la construction du barrage MOSE de Venise : l’ancien Ministre de
l’Environnement et des Infrastructures, Altero Matteoli, et l’entrepreneur romain Erasmo Cinque viennent d’être condamnés
pour corruption dans la préparation du projet à 4 ans de prison et à la confiscation de plus de 9,575 millions d’euros chacun.
Par contre, il y a eu prescription pour l’ancien maire de Venise, Giorgio Orsoni, qui était inculpé pour avoir reçu un financement
clandestin pour pousser à la réalisation du MOSE. Le procès durait depuis trois ans et il a fallu pour conclure 32 audiences et
l’écoute de 102 témoins. Matteoli avait reçu de l’argent de l’entrepreneur Giovanni Mazzacurati pour
avoir favorisé son ami Cinque dans l’obtention d’adjudications pour les « bonifiche », l’amélioration
de Porto Marghera ; un autre entrepreneur vénitien, Nicola Falconi, a eu 2 ans et 2 mois de prison,
l’avocat romain Corrazio Crialese un an et 10 mois.
Il reste que l’opération MOSE a coûté jusqu’à présent plus de 5,4 milliards d’euros, maintenant
dépensés en vain ; le Mouvement « Pas de Grands Navires et pas de MOSE » a dressé des
pancartes : « La Mafia à Venise s’appelle Consorzio Venezia Nuova », société concessionnaire du Ministère des Infrastructures
et des Transports pour la construction du MOSE. Ce projet a été démarré par Berlusconi en 2003 et n’est pas totalement achevé
; il avait remplacé un autre projet de 1981, et d’autres propositions étaient alors faites par des scientifiques écologistes
compétents ; mais c’est là qu’intervint la corruption pour imposer le choix de ce qu’on appellera symboliquement ensuite le
MOSE, qui signifie « Moïse » en italien, celui qui a été « sauvé des eaux » dans la Bible. Ce n’est, hélas, pas le MOSE qui
protégera Venise de la montée des eaux.
* Comme chaque année, le sang de saint Janvier s’est bien liquéfié dans la cathédrale de Naples le 19 septembre dernier (recommencera-t-il
le 16 décembre prochain ?). Donc pas de catastrophes à prévoir dans l’immédiat ! Et cela a constitué une joie pour les 25 millions de fidèles qui suivent
cette cérémonie dan le monde, à Naples, New York, etc., surtout maintenant qu’on peut voir la « liquéfaction » en vidéo sur le site du diocèse et sur la
TV. (Ci-contre le buste en argent de St Janvier). C’est aussi maintenant l’occasion de grandes fêtes surtout commerciales (ventes de maillots, de
statuettes, de photos, de drapeaux, de gâteaux en forme de mitres d’évêques, de bières à l’effigie du saint,…), concerts, etc. Prêtres et monseigneurs
affichent leurs plus beaux vêtements ecclésiastiques et leurs plus grands sourires pour les reporters de TV, et le cardinal officie avec les ampoules. Et
comme la politique n’est jamais absente, on va insister cette année sur le baiser aux ampoules de Luigi Di Maio, vice-président de la Chambre et futur
candidat de M5S à la fonction de Premier ministre ; on se demande pourquoi ce grand laïc s’est livré à cette opération d’enfant de chœur dans cette
manifestation pagano-chrétienne ? (Cf image ci-contre). Ah, vous savez, les élections … ! La religion redeviendrait-elle comme au Moyen-Âge un «
instrumentum regni », un instrument de pouvoir ?
* Quelques livres à lire en italien :
La presse recommande souvent quelques romans ou essais récents intéressants :
– Bruno Mastroianni, La disputa felice, Franco Cesani, roman ;
– Andrea Bianchi, A piedi nudi, Edicicloeditore, des promenades pieds nus pour retrouver un autre contact avec la nature ;
– Paolo Cognetti, Il ragazzo selvatico, Terre di Mezzo Editore. C’est le vainqueur du Prix Strega 2017. Roman dans la montagne.
– Pier Vittorio Tondelli, Rimini, Bompiani, réédition d’un roman classique de 1985 ;
– Marco Vichi, Il coraggio del cinghialino, Guanda. Un petit chien abandonné par ses maîtres est recueilli par 7 petits sangliers : une jolie fable
pour grands et petits ;
– Orna Donath, Pentirsi di essere madri, Borlati Berlinghieri, un essai sociologique d’une israélienne sur les regrets possibles d’avoir eu des
enfants …
… et en français :
– Enzo Traverso, Mélancolie de gauche, Éditions La Découverte, 2016, 228 pages, 20€. Un ouvrage très important
du grand philosophe italien, un de ceux qui permettent le mieux de comprendre notre passé récent et notre situation présente.
Nous en rendrons compte prochainement.
– Nanni Balestrini, Primo Moroni, La horde d’or. Italie, 1968-1977. La grande vague révolutionnaire et créative,
politique et existentielle, L’Éclat « Premiers secours », 2017, 25€. Un grand livre, enfin traduit, sur la période 1968-1977 où
changea le destin de l’Italie contemporaine. Nous en reparlerons.
– Jean-Baptiste Labat, Voyage à Rome, Éd. Des Équateurs, Coll. Parallèles, 2016, 10€. Ce dominicain (1663-
1738) était un explorateur, botaniste et grand voyageur. Son récit et sa description de Rome au début du XVIIIe siècle est l’un
des plus intéressants qu’on puisse lire, Yves Hersant le confirme dans son Anthologie des voyageurs français aux XVIIIe et
XIXe siècles (un autre ouvrage fondamental qui devrait être sur la table de chevet de tous ceux qui aiment voyager en Italie) ;
et ce livre a inspiré le président De Brosses, Chateaubriand et Stendhal. Vous le lirez avec grand plaisir et cela enrichira votre
prochain voyage à Rome.
– Enrico Malato, Dante, Les Belles Lettres, 2017, 29,50€. Une nouvelle biographie sur Dante Alighieri, qui apporte
beaucoup d’éléments sur son œuvre et son temps.
– Françoise Frontisi-Ducroux, Arbres, filles et garçons - Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs,
Éditions du Seuil, 2017, 192 p. 19€. Un livre passionnant dont nous rendrons compte prochainement.
Quand vous aurez lu tout ça, comme dit le savant d’Arte, « vous mourrez moins bêtes … mais vous mourrez quand
même ». Bonne lecture et à bientôt.
Jean Guichard, 25 septembre 2017
M. Minniti à Tripoli le 15 mai 2017
(Photo du Monde du 15 /09/ 2017)
Le Pirellone, siège du Conseil Régional de Lombardie à Milan