Nouvelles de ces derniers temps : édition du 18 août 2017
Principales routes de migrants en Méditerranée et nombre de morts.
La lutte de deux capitalismes, entre « mondialisation » de demain et « patriotisme » d’hier.
L’affaire Fincantieri n’est qu’une nouvelle manifestation de l’opposition entre le capitalisme français et le capitalisme italien ; nous avons rappelé l’affaire
Mattei, il faudrait y ajouter le veto du Général De Gaulle à l’acquisition de Citroën par Fiat dans les années 1960. Une opposition plus récente a été le
rachat de parts de Mediaset (de Berlusconi) par Vivendi de Vincent Bolloré ; ce dernier a été désavoué par l’Agcom (Autorité de Régulation des
Télécommunications) : parce qu’il est déjà actionnaire de référence de Telecom Italia, il ne devra pas avoir plus de 10% du capital de Mediaset. Et voilà
toute la classe politique italienne, – y-compris la gauche qui n’avait cessé de condamner Mediaset pour sa vulgarité et son travail d’abrutissement de la
population italienne –, qui défend Berlusconi au nom de l’indépendance de la culture italienne ! Mais tout cela ne concerne qu’une toute petite minorité
d’actionnaires soutenus par les politiques, sans changer grand-chose à la quantité ni à la qualité de l’emploi, donc à la situation de la masse des citoyens.
Un numéro d’Euronews du 4 mai 2017 avait fait le point des investissements italiens en France : il y a, disait-il, plus de 2000 entreprises italiennes en
France, employant plus de 100.000 personnes, avec 141 projets d’investissement en 2016 contre 84 en 2015, permettant de conserver ou de créer 3228
emplois de travail en France, qui se révèle donc bien comme le pays préféré par les investisseurs italiens (29% des projets, contre 26% en 2015). L’Italie
se classe à la troisième place avec 141 projets (13% du total), après l’Allemagne (17%) et les Etats-Unis (16%). Les deux principales régions
d’investissement sont l’Île-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes, les investissements venant surtout de la Lombardie et du Piémont, suivis de l’Émilie-
Romagne ; les principauw domaines d’investissement sont le travail des métaux, les machines industrielles, l’agroalimentaire, la consultation, le
transport, la parfumerie et la cosmétique. Catherine Colonna, ambassadrice de France en Italie se réjouit de la confiance des investisseurs italiens
envers la France, soulignant que l’Italie est le second client et le second fournisseur de la France, « démonstration de l’esprit d’entreprise dynamique et
international qui caractérise les dirigeants italiens ». Rappelons aussi la grande opération entre Luxottica de Del Vecchio et l’Essilor française devant
aboutir à un géant de l’optique de 50 milliards d’euros, sans que l’on sache bien qui a racheté qui ?
Mais les investissements français en Italie sont beaucoup plus importants : la Banca Nazionale del Lavoro a été rachetée par la BNP, Cariparma et
Friulandria par le Crédit Agricole, Auchan et Carrefour ont beaucoup investi dans la grande distribution, Fendi, Loro Piana et Bulgari ont été rachetés par
LVMH, Gucci et Bottega Veneta par François Pinault, la Pioneer, filiale de la banque italienne Unicredit, a été racheté à 100% par la société française
Amundi pour 3,5 milliards, sans que cela ne change rien aux produits distribués dans les supermarchés ni à l’emploi, ni aux protections sociales.
Les rachats français, soulignait Il Sole 24 Ore du 26 janvier 2017 concernent la finance, les télécomuunications, le luxe, c’est-à dire des secteurs très
stratégiques pour l’Italie, alors que celle-ci est intervenue jusqu’ici dans des secteurs moins stratégiques pour la France, comme l’aéroport de Nice
(racheté par Atlantia pour 975 millions), Carte Noire (racheté par Lavazza pour 700 millions) ou Grand Marnier (racheté par Campari pour 683 millions),
sauf dans l’affaire Fincantieri justement, ce qui fait réagir le protectionnisme français.
Le déséquilibre global est grand : les investissements français en Italie représentent 52,3 milliards d’euros, les investissements italiens en France 7,6
milliards, et l’industrie italienne est donc une proie pour la France plus que l’Italie n’est un prédateur pour la France. Et l’économie italienne est beaucoup
plus fragile que la nôtre, même si elle apparaît plus compétitive, plus dynamique et plus accueillante, avec ses sociétés de plus petite taille et souvent
encore familiales.
Même Le Monde du 24 avril 2017 titrait l’article de Jérôme Gauthier France-Italie, le match des capitalismes ! Ne nous amuse-t-on pas un peu en
surévaluant l’importance de l’affaire Fincantieri / Chantiers de Saint-Nazaire ?