2.1.1. L’actualité politique et judiciaire :
Commémoration du massacre néofasciste du 2 août 1980
Le Président de la République, Sergio Mattarella, a tenu à commémorer le 35e anniversaire du massacre de Bologne du 2 août 1980. Ce
jour-là, une bombe explose à 10h25 dans la salle d’attente de 2e classe de la gare de Bologne, pleine de touristes et de gens qui partent
en vacances. La bombe, très puissante et de fabrication militaire, était déposée dans une valise ; elle fait écrouler l’aile ouest de l’édifice,
tue 85 personnes et en blesse ou mutile plus de 200. La ville réagit très rapidement et de nombreuses personnes viennent aider à
dégager les victimes ; les médecins et le personnel hospitalier rentrent de vacances. Une jeune fille de 24 ans fut totalement désintégrée
par la bombe et on ne retrouva que quelques restes de son corps. De grandes manifestations eurent lieu dans la ville ; le jour de
l’enterrement, de toutes les personnalités politiques présentes, seule l’arrivée du Président de la République Sandro Pertini fut applaudie.
Dans l’immédiat, le Président du Conseil Francesco Cossiga et les forces de police cherchèrent à attribuer l’accident à l’explosion d’une
vieille chaudière posée dans le sous-sol: ils tentaient de dévier l’enquête des néofascistes qui furent presque aussitôt désignés comme
les auteurs du crime, et dès le 26 août 1980, le Procureur de la République émit 28 ordres d’arrestation de militants néofascistes, qui
tous seront libérés en 1981. Comme l’a rappelé Sergio Mattarella, les enquêtes furent longues et difficiles, et si l’on a identifié les
exécutants, les mandataires et complices sont toujours recherchés, et les tentatives de « dépistage » des recherches furent nombreuses
et doivent être aussi punies. « L’Italie a le devoir de ne pas oublier ce massacre et ces victimes innocentes qui font désormais partie de
la mémoire nationale », a dit le Président. Il faut introduire un « délit de dépistage » dans la loi italienne, a-t-il demandé ; le gouvernement
l’a accepté, mais il a actuellement un retard de 10 mois dans son examen. Une Association des parents des victimes du massacre
travaille activement sur le problème. La proposition de loi est en train de se débloquer au Sénat après des mois d’attente, et Pietro
Grasso, le président du Sénat, était présent aux cérémonies de Bologne le 2 août. À la gare de Bologne, une horloge a été arrêtée à
10h25, l’heure de l’explosion du 2 août 1980.
En effet c’est seulement en 1988 que furent condamnés pour massacre Giuseppe Valerio Fioravanti, Francesca Mambro, Massimiliano
Fachini et Sergio Picciafuoco. Le 18 juillet 1990, la Cour d’Appel annule le jugement et libère les accusés. Le 12 février 1992, la Cour de
Cassation oblige à recommencer le procès d’appel dont la sentence est déclarée « illogique, privée de cohérence et n’ayant pas évalué
en termes corrects les preuves et les indices » ; elle déclare aussi que « les juges ont soutenu des thèses invraisemblables ». le 16 mai
1994, la Cour d’Appel confirme le jugement de premier degré, et le 23 novembre 1995, la Cour de Cassation confirme la décision de la
Cour d’Appel et condamne Fioravanti et Francesca Mambro à la prison à vie, tandis que Licio Gelli, le responsable de la loge P2, et
plusieurs agents des services secrets militaires sont condamnés pour « dépistage ». En juillet 2000, la Cour d’Assise de Bologne
condamne encore pour dépistage quelques extrémistes de droite, des responsables du SISMI et quelques délinquants liés à la droite
extra-parlementaire (Voir le site « Strage di Bologna » sur Wikipedia).
Les « dépistages » et les tentatives de brouiller l’information furent nombreuses, de la part d’agents du SISMI (Service d’Information et
de Sécurité Militaire), et de Francesco Cossiga, alors Président du Conseil et devenu par la suite Président de la République ; on élimina
aussi une piste « libyenne » pourtant soutenue par Giovanni Spadolini, qui fut le premier Président du Conseil laïque et non démocrate-
chrétien, de 1981à 1982.
Quand on recherche les personnes impliquées dans ce massacre, on retrouve toutes les bandes d’extrême-droite qui créèrent le
désordre et l’angoisse en Italie dans les années ’70 et ’80, des groupes néofascistes à la bande de la Magliana dans la banlieue romaine
(Voir le roman de Giancarlo De Cataldo, Romanzo criminale, Einaudi, 2002, le film de Michele Placido qui en fut tiré en 2005, et la
série télévisée de Stefano Sollima de 2008. Pour le détail, voir sur Internet « Banda della Magliana »), des services secrets italiens à
l’assassinat d’Aldo Moro, du dépôt d’armes au Ministère de la Santé aux trafics de stupéfiants, de l’enlèvement et de l’assassinat du duc
Grazioli aux responsables de l’Organisation Gladio ou à l’assassinat du banquier Roberto Calvi et aux problèmes internationaux, de
l’affaire de Ustica (l’accident du vol 870 Itavia du 27 juin 1980, l’avion s’abîma dans la mer Tyrrhénienne près de l’île d’Ustica au nord de
la Sicile, faisant 81 victimes) au problème palestinien, aux rapports entre les USA et l’URSS, etc.
On est vraiment au cœur de la vie politique italienne de l’époque et de tous les crimes qui y furent commis ; et beaucoup de
responsables politiques et militaires, qui se retrouvaient souvent dans la fausse « Loge maçonnique P2 » de Licio Gelli, s’acharnèrent à
dépister les recherches pour qu’on ne retrouve pas les véritables mandataires de ces crimes, toujours inconnus, qui avaient cependant
tous un rapport avec la lutte de la Démocratie Chrétienne pour se maintenir au pouvoir. C’est pourquoi la journée du 2 août est
considérée en Italie comme la journée de la mémoire de tous les crimes terroristes de l’époque, une des plus noires qu’ait jamais connue
l’Italie.
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