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 Catherine Clément, Faire l’amour avec Dieu, Albin Michel, 2017, 16,50€
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Catherine Clément, Faire l’amour avec Dieu, Albin Michel, 2017, 16,50€ Le livre de Catherine Clément nous a paru intéressant, et aussi divertissant, il évoque entre autres Catherine de Sienne et, à propos de Thérèse d’Avilla, la sculpture du Bernin dans l’église Santa Maria della Vittoria de Rome. Nous en avons demandé un compte-rendu critique à Carlos Dominguez  Professeur de psychologie de la religion à la Faculté de théologie de Grenade, Espagne. C’est notre ami Christian Grenier qui en a assuré la traduction. Nous les remercions. L’auteur (Boulogne-Billancourt, 1939) est une figure reconnue comme philosophe, romancière, féministe, et critique littéraire et, comme elle s’appelle elle-même, une juive athée. Ses contacts avec la psychanalyse ont imprégné son œuvre, surtout à partir de sa relation avec Jacques Lacan et avec le psychanalyste indien Suchir Kakar. Avec ce dernier elle a publié un ouvrage qui obtint un grand écho international, intitulé La folle et le Saint. Dans ce livre, les deux auteurs analysent ensemble le cas du grand mystique indien, Ramakrisna, né au Bengale au 19 ème siècle, et celui de la fameuse psychotique Madeleine de la même époque, hospitalisée à la Salpêtrière de Paris et traitée durant des années par Pierre Janet. De même avec Julia Kristeva elle pénétra dans le monde des relations profondes existant entre la féminité et le sacré dans un ouvrage (Le féminin et le sacré) fruit d’un échange épistolaire entre les deux auteurs. Dans le cas présent, nous nous trouvons devant un texte dont le titre laisse déjà voir la tendance clairement provocatrice qui marque tout l’ouvrage. Le point de départ est, comme l’auteur le confesse elle-même, la lecture d’une phrase de Baal Shem Tov, fondateur du jasidisme, dans laquelle il est dit que «  la prière est un coït avec la Présence divine  ». Le texte, sans doute, renvoie aux relations profondes que tout chercheur sérieux a su voir entre l’expérience mystique et la sexualité. Dans ce sens, le livre n’offre pas une idée qui soit authentiquement nouvelle ni originale. Ce qui est nouveau, par contre, c’est le mode dans lequel l’auteur réalise la tâche, avec un style intentionnellement provocateur, et un langage direct, parfois insolent, toujours beau et, surtout, séducteur. On pourrait dire que plus qu’une étude en profondeur de ces relations entre sexualité et extase, il s’agit d’un divertissement, d’une sorte de «  poème érotique et satirique  », non exempt d’un certain caractère malveillant et transgresseur. Le fait que nous ne trouvions aucun type d’appareil critique, ni aucune référence bibliographique des textes cités, fait penser qu’effectivement l’auteur n’a pas prétendu offrir une étude, mais simplement un divertissement littéraire. Une étude en profondeur aurait exigé que cette sexualité omniprésente dans l’analyse n’apparaisse pas comme un «  totum revolutum  » (méli-mélo, NDT), sinon dans une discrimination de ses différents niveaux d’intervention et, pour autant, avec ses différentes significations aussi. Parce que cette sexualité (l’auteur le sait bien grâce à ses bonnes connaissances psychanalytiques) peut être expérimentée dans le registre de la perversion, de la névrose, de la psychose ou, aussi, comme dans le cas de beaucoup de mystiques, dans celui de la sublimation. Ici, cependant, nous nous trouvons face à une comparaison totale entre des malades clairement psychotiques ou profondément névrosés (quelques -unes condamnées par l’Église elle-même, comme Madeleine Bavent) avec d’autres, comme Thérèse d’Avila, qui ont montré (sans que des traits névrotiques soient complètement en marge de leurs vies) des personnalités riches, créatives et avec une pleine capacité de relations et de travail. De façon générique, tous les mystiques extatiques ont été comparés avec la catégorie psychiatrique de borderline (p. 16) et mis au même niveau que des personnages désaxés par la drogue et le rock ou, y compris avec des terroristes qui se font exploser dans une salle de concert à Paris. Mais revenons au thème de la sexualité et de l’extase mystique. Il semblerait que l’auteur nous ramène aux premières approximations psychiatriques et psychologiques de la mystique lesquelles, comme Lacan l’a bien critiqué, ont voulu seulement voir en elle une simple affaire de baisage. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que l’auteur ait pu se sentir d’une certaine façon frustrée quand son maître s’exprimait ainsi dans une session du Séminaire Encore. Et ainsi elle nous le confesse  : «  peut-être ce moment lacanien m’a-t-il frustrée  » (p.89). C’est de nouveau la sexualité, dans son registre le plus génialité et pervers, que l’auteur préfère voir comme clé dernière de toute extase mystique. Et pour cela elle n´hésite pas à réaliser une sélection tendancieuse de textes (avec une prédilection pour les plus scabreux) au sein d’une imposante littérature mystique chrétienne, hindou, soufi et jasidique qu’elle utilise pour son propos. Toujours de la «  mystique nuptiale  », jamais de la «  mystique de l’essence  » (XIII-XIV ème siècles) qui, évidemment, se prêterait beaucoup moins à légitimer l’idée centrale de l’essai. On pourrait dire que les données ont été choisies à son plaisir, pour sa jouissance. En effet, comme le commente Lacan à propos de la sainte Thérèse de Bernini, il est évident ici aussi «  qu’elle jouit, ça ne fait pas de doute  !  » Le lecteur pourra aussi jouir grâce à la lecture du texte, toujours vif, plein d’esprit, ingénieux. Ou bien pourra être incommodé par le ton provocateur dont il fait montre. Tout reste ouvert à la sensibilité de chacun face à cet essai particulier et provocateur qui nous est offert. Carlos Dominguez, traduction de Christian Grenier