Poésie en musique - chapitre 9
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Chapitre 9 Le modèle de Pétrarque Canzoniere, Sonnet 1 Voi ch'ascoltate in rime sparse il suono   O vous qui écoutez dans ces rimes éparses di quei sospiri ond'io nudriva 'l core   le son de ces soupirs dont j’ai nourri mon cœur in sul mio primo giovenile errore,                  dans l’errance de ma prime jeunesse quand'era in parte altr’uom da quel ch' i' sono ;     quand j’étais en partie autre que je ne suis, del vario stile in ch'io piango e ragiono        pour ce style varié de mes pleurs, de mes mots, fra le vane speranze e 'l van dolore,                entre les vains espoirs et la vaine douleur, ove sia chi per prova intenda amore                chez vous qui comprenez l’amour par expérience spero trovar pietà, non che perdono,    j’espère trouver pitié, pas seulement pardon. Ma ben veggio or sì come al popol tutto    Désormais je vois bien comment de tout le peuple    favola fui gran tempo, onde sovente    je fus longtemps la fable, de sorte que souvent    di me medesmo meco mi vergogno :    en mon for intérieur j’ai honte de moi-même : e del mio vaneggiar vergogna è 'l frutto.    et la honte est le fruit de ma divagation e 'l pentersi. e 'l conoscer chiaramente    avec le repentir et la claire conscience     che quanto piace al mondo è breve sogno.       que ce qui plaît au monde est un rêve fugace Le modèle de Pétrarque « La collaboration entre poètes et musiciens est une ancienne pratique de la tradition italienne, du moyen âge à nos jours. Dante disait que la poésie n'est « rien d'autre que l'invention poétique exprimée selon la rhétorique et la musique » (De vulgari eloquentia, Livre II, IV, III) ; la musique est pour lui le                « vêtement » naturel de la poésie, et il n'est pas convenable pour elle d'« aller dans le monde » nue, c'est-à-dire qu'elle n'est pas destinée à être lue en silence mais à être chantée en public. C'est cette dialectique entre le texte (la dite « rhétorique ») et la musique qui permet au poète d'atteindre la beauté sensible. Du XVe au XVIIe sièc1es, le poète le plus « musicato », - en particulier par les madrigalistes -, est Pétrarque, créateur d'une nouvelle forme poétique et maître d'une longue tradition d'écriture : ce qu’on appellera « pétrarquisme », qui se propage dans toute l'Italie et dans toute l’Europe jusqu'à l'époque baroque. La modernité de la poésie amoureuse de Pétrarque fait que son Canzoniere reste une référence de la poésie universelle. À la différence des grands poèmes unitaires du passé, l'Odyssée d'Homère, l'Enéide de Virgile ou la Divine Comédie de Dante, le Canzoniere se présente comme des « fragments » (« Rerum vulgarium fragmenta », (Fragments de choses vulgaires, est le titre latin donné par Pétrarque) non pas en latin mais en langue « vulgaire » (en italien) selon un modèle déjà pratiqué et théorisé par Dante. Dans le sonnet qui sert de prologue, Pétrarque parle de « rime sparse », rimes éparses, et aussi de « vario stile », style diversifié, même si le modèle du sonnet l'emporte avec une régularité qui deviendra la règle. C'est l'annonce d'une poétique nouvelle, expression non plus d'une vision théologique unitaire comme celle qui, chez Dante, porte le poète de l'amour de Béatrice à l'amour de Dieu, mais de la pratique contradictoire d'un amour qui est à la fois vie et mort, espérance et douleur, réalité et rêve. L'amour n'est plus vertu théologale, mais expérience psychologique qui est aussi un « vaneggiar », une errance (une erreur ?), une expérience de vie dans le monde (« al mondo ») connue du « peuple », source de ce qu’il appelle la « gloire » (l'image de Laure renvoie au « laurier » d'Apollon instauré en l'honneur de Daphné, la nymphe désirée mais qui échappe au désir), sans recherche de signification philosophique ou théologique ; l'amour est vécu de façon immédiate, dans une suite d'instants fragmentés jusqu'au moment où l'individu se retrouve seul face à lui-même et se repent, ouvrant ainsi une nouvelle connaissance qui n'est rien moins que la psychologie individuelle moderne. Chaque texte (sonnet, ballade, chanson) est un moment de cet amour doux et amer, dont la contradiction ouvre une déchirure qui est source de l'écriture : le désir inassouvi du corps de Laure  (l'échec d'Apollon à qui échappe le corps de Daphné) se traduit en désir d'écrire ce manque. La musique qui est, grâce à sa structure même, ouverture à l'ineffable. à l'indicible et donc à la béance de cet amour sans apaisement possible (Il écrit « Pace non trovo ... », « Je ne trouve pas de paix ») viendra tout naturellement « revêtir » ces textes. L'écriture de ce jeu complexe du désir fait que les poètes baroques n'oublieront jamais le pétrarquisme, bien que l'âge baroque ait connu, en poésie comme en art, une nouvelle révolution, une nouvelle esthétique. une nouvelle poétique ». (Jean Guichard, Extrait du livret du disque de Poïesis, D’India, Zig-Zag, 2003, où est enregistré ce sonnet 1 de Pétrarque, chanté par Cristiana Presutti). « La modernità della poesia amorosa del Petrarca fa che il suo Canzoniere resta un riferimento della poesia universale. A differenza dai grandi poeti unitari del passato, l’Odissea di Omero, l’Eneide di Virgilio o la Divina Commedia di Dante, il Canzoniere si presenta come frammenti (« Rerum vugarium fragmenta » è il titolo latino dato dal Petrarca), non in latino ma in lingua « volgare » (in italiano) secondo un modello già praticato e teorizzato da Dante Nel sonetto di prologo, Il Petrarca parla di « rime sparse » e di « vario stile », anche se il modello del sonetto resta dominante con una regolarità che diventerà la regola (14 veersi, ecc.). È l’espressione di una poetica nuova, che non è più una visione teologica unitaria come quella che in Dante, porta il poeta dall’amore di Beatrice all’amore di Dio, ma diventa la pratica contradditoria di un amore il quale è in una volta vita e morte, speranza e dolore, realtà e sogno. L’amore non è più virtù teologica (carità), ma esperienza psicologica, la quale è anche un «vaneggiar  » (un errare o un errore ?), un’ esperienza  di vita nel mondo (« al mondo ») conosciuta dal «  popolo  », fonte di quello che lui chiama la « gloria » (l’immagine di Laura rimanda al « lauro » di Apollo instaurato in onore di Dafne, la ninfa desiderata ma che sfugge al desiderio) senza ricercare significato folosofico o teologico ; l’amore è vissuto in modo immediato, in un seguito d’istanti frammentati fino al momento che l’individup si ritrova solo di fronte a se-stesso e si pente, aprendo così una nuova conoscenza che non è altro che la psicologia individuale moderne. Ogni testo (sonetto, ballata, canzone) è un momento di quell’amore dolce e amaro, la cui contraddizione apre uno strappo interiore che è fonte della scrittura : il desiderio insoddisfatto del corpo di Laura (l’insuccesso d’Apollo a cui sfugge il corpo di Dafne) si traduce in desiderio di scrivere quella mancanza. La musica che è, grazie alla sua stessa struttura, un’apertura all’ineffabile, all’indicibile e dunque all’apertura di quell’amore mai appagato (« Pace non trovo »), verrà naturalmente a « vestire » quei testi. G.B. Bernini, Apollo e Dafne, 1622-1625 La stesura di quel gioco complesso del desiderio fa che i poeti barocchi non dimenticheranno mai il petrarchisme, anche se l’età barocca ha conosciuto, in poesia come in arte, una nuova estetica, una nuova poetica ». (Il testo è ripreso su www.italie-infos.fr, Vingt-deux portraits d’une autre Italie, chapitre 4 sul Petrarca). Voici un autre exemple de contemplation de la femme nue par le poète  : Madrigale, Canzoniere 52 Non al suo amante più Dïana piacque         Diane n’éveilla pas chez son amant plus de désir quando, per tal ventura, tutta ignuda quand, par hasard, toute nue, la vide in mezzo alle gelide acque, il la vit au milieu des fraîches eaux, ch’a me la pastorella alpestre e cruda         qu’en moi la pastourelle sauvage et cruelle posta a bagnar un leggiadretto velo occupée à laver un charmant petit voile ch’a l’aura il vago e biondo capel chiuda  ;         qui de l’aure protégeât ses blonds cheveux charmants tal che mi fece, or quand’egli arde il cielo si bien que je me retrouvai, quand le ciel est de braise, tutto tremar d’un amoroso gielo.         tout entier  à trembler et tout glacé d’amour. (Musique : Stringari Patavino (XVe-XVIe s.), in : Chiare, fresche e dolci acque, Simonetta Soro, RivoAlto, 1998) Canzoniere, Sonnet 134 Pace non trovo, et non ò da far guerra  ; Je ne trouve pas la paix, et je n’ai pas à faire la guerre;    e temo, et spero ; et ardo et son un ghiaccio ; et je crains, et j’espère ; et je brûle et je suis de glace ;    et volo sopra ‘l cielo, e giaccio in terra ; et je vole au-dessus du ciel, et je gis sur la terre ;    et nulla stringo, et tutto ‘l mondo abbraccio. et je n’étreins rien, et j’embrasse le monde entier. Tal m’a in pregion, che non m’apre né serra,     Une Dame me garde en prison, qui ne m’ouvre ni ne me ferme,    né per suo mi riten né scioglie il laccio  ;        elle ne me tient pas pour sien et elle ne dénoue pas le lien              et non m’ancide Amore, et non mi sferra, et l’Amour ne me tue pas, et il ne défait pas mes fers,    né mi vuol vivo, né mi trae d’impaccio. il ne me veut pas vivant, et ne me tire pas d’embarras. Veggio senza occhi, et non ò lingua et grido ; Je vois sans yeux, je n’ai pas de langue et je crie  ;    et bramo di perir, et cheggio aita ; je désire périr, et demande de l’aide;    et ò in odio me stesso, et amo altrui. et je me hais moi-même, et j’aime les autres. Pascomi di dolor, piangendo rido ; Je me repais de douleur et je ris en pleurant  ;    egualmente mi spiace morte et vita : me déplaisent également la mort et la vie :    in questo stato son, donna, per voi. dans cet état je suis, dame, à cause de vous. (Musique  : Eustachio Romano (XVe-XVIe s.), in : Chiare, fresche e dolci acque, Simonetta Soro, op. cit.) (Écouter aussi sur Pétrarque, outre les disques de Poïesis : * Lecture de 22 poésies du Canzoniere par Giorgio Albertazzi et Arnaldo Foà, in Antologia sonora della collana letteraria Documento diretta da Nanni De          Stefani, Francesco Petrarca, Nuova Fonit Cetra, 1995. * Chiare, fresche e dolci acque, Petrarchan lyricism and music (16th century), par Simonetta Soro, soprano e Franco Fois, liuto, DDD 1998. 33 poésies de           Pétrarque par divers musiciens du XVIe siècle. * Roland de Lassus (1532-1594), Il Canzoniere di Messer Francesco Petrarca, avec le Huelgas Ensemble dirigé par Paul Van Nevel, Harmonia Mundi,           2004. 10 poésies de Pétrarque.) RETOUR A LA TABLE DES MATIERES         CHAPITRE SUIVANT - 10 - Dante et Pétrarque sur la décadence de l’Italie de leur époque