Poésie en musique - chapitre 21
Chapitre 21
L’invention de l’opéra lyrique, Peri et Monteverdi
L’invention de l’opéra est aussi celle d’une nouvelle forme poétique, le livret.
Antonio Canova (1757-1822), Orfeo ed Euridice, 1775-6, Museo Correr, Venezia.
À Florence, vers 1573, s’était formée à la cour des Médicis la Camerata fiorentina, qui réunissait dans le palais du comte
Giovanni Bardi (1534-1612), les plus grands intellectuels toscans, des savants comme Vincenzo Galilei (1520-1591),
qui fut aussi compositeur, luthiste, père de Galilée, des philosophes humanistes comme Pietro Strozzi (1510-1558), des
musiciens comme Jacopo Peri (Voir chapitre 20 précédent), Cristoforo Malvezzi (1547-1599), Emilio de’ Cavalieri
(voir chapitre 19 sur la musique religieuse baroque) et Giulio Caccini (1561-1618 -
Rome / Florence), des poètes et musiciens comme le marquis Alessandro Striggio
(1537-1592 - Mantoue) et Ottavio Rinuccini (voir chapitre 20 précédent). Vincenzo
Galilei écrit en 1581 son Dialogue sur la musique ancienne et moderne dans lequel il
montre la supériorité de la monodie grecque ancienne sur la polyphonie de la
Renaissance et sur le contrepoint du Moyen-Âge ; le texte y était le plus important et
devait être compris dans ses moindres détails, la musique ne servait qu’à le faire comprendre mieux et à illustrer ses « affetti
», ses affects, ses sentiments, ses passions. Il compose comme illustration son
Lamento del Conte Ugolino, sur la base du texte de Dante dans la Divine Comédie,
tandis que Strozzi écrit Fuor dell’umido nido (Hors de son nid humide), mis en
musique par Giulio Caccini.
Orphée parmi les bêtes, Mosaïque romaine, Palerme.
Rinaldo Mantovano (Mantova, XVIe-XVIIe s.), La mort d’Euridice, 1527-38
On ne connaissait rien de la musique grecque antique, sinon à travers des textes
littéraires comme celui du philosophe Aristoxène (env. 375-322 av.J.C.) qui décrivait
pour le théâtre un mélange de paroles et de chant (il était connu par le grand
humaniste Girolamo Mei, 1519-1594) qui donnera naissance au style
récitatif du baroque. En 1598, Jacopo Peri produit une Daphné,
aujourd’hui perdue, et en 1600 son Eurydice.
Edward John Poynter (1836-1919), Orphée et Eurydice, 1862, Londra.
Orphée, le héros mythologique, fut déjà célébré par les auteurs anciens, par exemple Ovide dans ses
Métamorphoses (Livre X) et Virgile dans le 4e livre des Géorgiques, parce qu’il était le chanteur qui adoucissait les
bêtes, toute la nature et les dieux eux-mêmes, et émouvait même les rochers. Fils de la muse Calliope (muse de la
poésie épique = en grec celle qui a une belle voix), pupille d’Apollon, il
synthétise en lui les éléments apollinien et dionysiaque ; il avait
participé à l’expédition des Argonautes, et à la guerre de Troie, mais il
est surtout célèbre par son amour pour la dryade (nymphe des arbres,
des chênes) Eurydice, qui, pour fuir aux violences d’Aristée, autre
berger fils d’Apollon, marcha sur un serpent venimeux qui la tua.
Orphée descend alors dans les Enfers avec sa lyre pour la ramener à la vie ; il enchante Charon, Cerbère, Tantale,
Hadès et Perséphone, les émeut par son chant, et ils laissent Eurydice revenir sur terre à la condition qu’Orphée ne la
regarde pas avant d’y arriver. Mais, croyant être sorti, il se retourne et regarde Eurydice qui disparaît alors de nouveau
pour revenir dans les Ténèbres.
Alexandre Séon (1855-1917), Lamento d’Orphée, 1896, Orsay.
Plus tard, Orphée fut aussi adopté par l’ère chrétienne ; il symbolisa parfois le Bon Pasteur. Puis il fut souvent le
sujet de sculptures (Antoine Canova, 1775-6, Musée Correr ; Auguste Rodin…) et de peintures (Mantegna, Bellini, Léonard de Vinci, Dosso Dossi, Titien,
Tintoret, Rubens, etc.) comme expression de la domination de l’art sur les instincts animaux, jusqu’au cinéma (Orphée de Jean
Cocteau en 1950, avec Jean Marais, François Périer, Maria Casarès, Juliette Gréco, Roger Blin, etc. et en 1960 le Testament
d’Orphée) et à la tragédie (1926) de Jean Cocteau aussi. La littérature a aussi souvent exploité le mythe d’Orphée, depuis le Moyen-
Âge (Dante, Convivio) jusqu’à l’âge moderne (en Italie, Cesare Pavese, Dino Càmpana, Gesualdo Bufalino, Claudio Magris, etc.).
Gabriele Simeoni (1509-1575), Orfeo riacquista la moglie presso Plutone e Proserpina, 1559, Lione, Typographo Reggio, Jean de Tournes. Edizione
delle Metamorfosi d’Ovidio
En musique, la voix monodique avait déjà été redécouverte par Angelo Poliziano (1454-1494) dans son Orfeo (1480 / 1494) qui
évoque à nouveau les pulsions érotiques des hommes dominées par la poésie et la musique ; il fut suivi par Ottavio Rinuccini,
Alessandro Striggio, mis en musique par plusieurs musiciens, et ainsi se créa un nouveau rapport entre la poésie et la musique, et
une nouvelle forme poétique, le livret d’opéra, qui se développera avec les musiques de Telemann (Orpheus, 1726 sur livret de Michel
du Boulay), Gluck (Orfeo ed Euridice, 1762, livret de Ranieri de’ Calzabigi), Jacques Offenbach (Orphée aux Enfers, 1858, livret
d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy), Philip Glass (Orphée, 1993, à partir du film de Cocteau), Tito Schipa Jr (Opéra Rock Orfeo
9, 1970). Franz Liszt produit en 1854 un poème symphonique intitulé Orpheus, et Igor Stravinsky un Orphée en 1947. De nombreux
chanteurs modernes, Roberto Vecchioni, Carmen Consoli, etc. composent des chansons qui utilisent le thème d’Orphée (Voir le
dossier Storia dei popoli d’italia e canzone, Antichità, Orfeo ed Euridice sur www. italie-infos.fr).
Le madrigal
Dès son apparition au XIIIe siècle, le madrigal (peut-être du latin matricalis (maternel) = en langue maternelle, par opposition aux textes
en latin) se caractérise par sa forme populaire (dérivé des chants populaires, la frottola ou le strambotto) et par un rapport central
entre parole et musique. Il se développe à la Renaissance comme forme vocale polyphonique sur texte profane, d’abord chez les maîtres franc-flamands
(Willaert, De Rore, De Lassus… ) puis chez les Italiens (les Gabrieli, Palestrina, Marenzio, Gesualdo da Venosa…) pour s’achever avec Monteverdi et déboucher
sur l’opéra lyrique.
Mais le personnage le plus important dans la création de l’opéra fut le musicien Claudio Monteverdi. Il naît à Crémone en 1567, et
meurt à Venise en 1643. C’est lui qui assure la transition entre la Renaissance et le baroque, un des derniers représentant de l’école
italienne du madrigal et le créateur du premier chef-d’œuvre d’opéra, Orfeo.
Domenico Fetti, Monteverdi, Venise, vers 1620.
Crémone est la patrie des luthiers et des premiers constructeurs de violons, violoncelles, etc. Claudio est l’élève du musicien
Marc’Antono Ingegneri (1535-1592), il publie à 20 ans son premier Livre de madrigaux ; il est d’abord maître de musique de
chambre puis maître de chapelle en 1601 à la cour de Mantoue, où il se consacre à l’écriture de madrigaux (Livres II à V) ; il explique
pour la première fois dans le Livre V la nature de son nouveau style, la « seconda prattica », perfection de la musique moderne,
opposée au style ancien, la « prima prattica » caractérisé par le contrepoint. Il introduit dans ses madrigaux la monodie
accompagnée de basse continue, déjà préconisée par Jacopo Peri et Giulio Caccini. En 1607, il compose sa première « favola in
musica », l’Orfeo, sur livret d’Alessandro Striggio, représentée au palais des Gonzague de Mantoue avec un très grand succès.
L’Arianna est sa seconde « tragedia in musica » sur livret d’Ottavio Rinuccini, en 1608 à Mantoue, et dont il ne nous reste que le
Lamento (Lasciatemi morire) (Voir chapitre 17 de ce livre), qui avait profondément ému la cour. En 1610, il publie sa grande œuvre
religieuse, Vespro della Beata Vergine.
En 1613, Monteverdi quitte Mantoue pour Venise, où il est nommé Maître de chapelle à la Basilique Saint-Marc ; il y compose de
nombreuses œuvres religieuses. Alors qu’à Venise s’ouvrent les premiers grands théâtres publics, Monteverdi publie ses Livres VI à VIII de madrigaux et revient à
la composition théâtrale avec le Combattimento di Tancredi e Clorinda (1624 -Voir le chapitre 15 de ce livre), Il ritorno d’Ulisse in patria (1641), l’Incoronazione di
Poppea (1642), et de nombreux autres opéras dont plusieurs ont été perdus.
L’invenzione dell’opera è anche quella di una nuova forma poetica, il libretto
A Firenze, verso il 1573, si era formata alla corte dei Medici la Camerata fiorentina, che riuniva nel palazzo del conte Giovanni Bardi (1534-1612) i più grandi
intellettuali toscani, scienziati come Vincenzo Galilei (1520-1591), che fu anche compositore, liutista, padre di Galileo, filosofi umanisti come Pietro Strozzi
(1510-1558), musicisti come Jacopo Peri, Cristoforo Malvezzi (1547-1599), Emilio de’ Cavalieri e Giulio Caccini (1561-1618 - Roma/Firenze), poeti e
musicisti come il marchese Alessandro Striggio (1537-1592 - Mantova) e Ottavio Rinuccini (1562-1621 - Firenze). Vincenzo Galilei scrive nel 1581 il Dialogo
della musica antica e moderna in cui mostra la superiorità della monodia greca antica sulla polifonia del Rinascimento e sul contrappunto del Medioevo ; il testo
era il più importante e doveva essere capito nei minimi dettagli, la musica non serviva che a farlo capire meglio e a illustrare i suoi « affetti », i suoi sentimenti, le
sue passioni. Compone come illustrazione il suo Lamento del conte Ugolino, sulla base del testo di Dante nella Divina Commedia, mentre Strozzi scrive Fuor
dell’umido nido, musicato da Giulio Caccini.
Non si conosceva niente della musica greca antica, se non attraverso testi letterari come quello del filosofo Aristosseno (375-322 av. Cristo circa), che descriveva
per il teatro un misto di parole e canto (era conosciuto dal grande umanista della Camera fiorentina Girolamo Mei, 1519-1594), che darà nascita allo stile recitativo
del barocco. Nel 1598 Jacopo Peri produce una Dafne, oggi perduta e nel 1600 la sua Euridice.
Orfeo, l’eroe mitologico, fu già molto celebrato dagli autori antichi, per esempio Ovidio nelle Metamorfosi (Libro X) e Virgilio nel 4° libro delle Georgiche perché
era il cantore che ammansiva le bestie, tutta la natura e gli dei stessi e commuoveva anche le rocce. Figlio della musa Calliope (musa della poesia epica = dalla
bella voce in greco), pupillo del dio Apollo, sintetizza in sè gli elementi apollìneo e dionisìaco ; aveva partecipato alla spedizione degli Argonauti, e alla guerra di
Troia, ma è soprattutto celebre per il suo amore per la drìade (ninfa delle querce) Euridice, che per sfuggire alle violenze di Aristèo, altro pastore figlio di Apollo,
camminò su un serpente velenoso che la uccise. Orfeo scende allora negli Înferi con la sua lira per riportarla in vita ; incanta Carònte, Cèrbero, Tàntalo, Ade e
Perséfone, li commuove col suo canto e lasciano Euridice tornare sulla terra alla condizione che Orfeo non la guardi prima di essere arrivato. Ma credendo di
essere uscito, si rivolge e guarda Euridice che scompare allora di nuovo per tornare nelle Tènebre.
Dopo fu anche adottato dall’arte dell’età cristiana ; talvolta simboleggiò anche il Buon Pastore. Poi fu spesso soggetto di sculture (Antonio Canova, 1775-6,
Museo Correr ; A
uguste Rodin) e pitture (Mantegna, Bellini, Leonardo da Vinci, Dosso Dossi, Tiziano, Tintoretto, Rubens, ecc.), come espressione del
dominio dell’arte sugli istinti animali, fino ai film (1950, con Jean Marais, François Périer, Maria Casarès, Juliette Gréco, Roger Blin, ecc. e 1960, Le Testament
d’Orphée) e alla tragedia (1926) di Jean Cocteau. Anche la letteratura ha sfruttato molto spesso il mito di Orfeo dal medioevo (Dante, Convivio) fino all’età
moderna (in Italia, Cesare Pavese, Dino Càmpana, Gesualfo Bufalino, Claudio Magris, ecc.)
Domenico Ghirlandaio, Angelo Poliziano, Firenze, Cappella Tornabuoni, 1485-1490.
In musica, la voce monodica era già stata riscoperta da Angelo Poliziano (1454-1494) nel suo Orfeo (1480/1494) che rievoca le pulsioni erotiche degli uomini
dominate dalla poesia e dalla musica ; fu seguito da Ottavio Rinuccini, Alessandro Striggio, musicati da parecchi musicisti, e così si creò un nuovo rapporto tra
la poesia e la musica, e una nuova forma poetica, il libretto d’opera lirica che si svilupperà con le musiche di Telemann (Orpheus, 1726, su libretto di Michel du
Boulay), Gluck (Orfeo ed Euridice, 1762, libretto di Ranieri de’ Calzabigi), Liszt (Orpheus, 1854), Offenbach (Orfeo all’inferno, 1858, libretto di Hector
Crémieux et Ludovic Halévy), Philip Glass (Orphée, 1993, dal film di Cocteau), Tito Schipa Jr (Opera rock Orfeo 9, 1970) ; nel 1854, Franz Liszt scriverà un
poema sinfonico, Orpheus e Igor Stravinsky un Orfeo nel 1947, con tante canzoni moderne (vedere sul sito ww.italie-infos.fr il dossier : Storia dei popoli
d’Italia e canzone, Antichità, Orfeo ed Euridice), di Roberto Vecchioni, Carmen Consoli, ecc.
Si riscopriva il rapporto centrale tra poesia e musica : dall’origine, la poesia non era fatta per essere letta in silenzio, ma o parlata o meglio, cantata.
Tutti i poeti del medioevo, Dante, Petrarca, ecc., suonavano uno strumento, lira, liuto o altro.
Ma il personaggio più importante nella creazione dell’opera lirica fu il musicista Claudio Monteverdi. Nasce a Cremona nel 1567, muore a Venezia nel 1643.
Assicura lui la transizione tra il Rinascimento e il barocco, uno degli ultimi esponenti della scuola del madrigale e creatore del primo capolavoro d’opera, Orfeo.
Il madrigale
Dalla sua apparizione nel Duecento, il madrigale (forse dal latino matricalis (materno) = in lingua materna, in opposizione ai testi in latino) si caratterizza con la sua
forma popolare (ereditata dai canti popolari, la frottola o lo strambotto) e da un rapporto centrale tra parola e musica. Si sviluppa al Rinascimento come forma
vocale polifonica su testo profano, prima dai maestri franco-fiamminghi (Willaert, De Rore, De Lassus… ), poi dagli Italiani (i Gabrieli, Palestrina, Marenzio,
Gesualdo da Venosa… ) per compiersi con Monteverdi e sboccare sul melodramma.
Cremona è la patria dei liutai e dei primi costruttori di violini, violoncelli, ecc. Claudio è alunno del musicista Marc-Antonio Ingegneri (1535-1592), pubblica a 20
anni il primo Libro di Madrigali ; comincia coll’essere Maestro di Musica da Camera, poi Maestro di Cappella nel 1601 alla corte di Mantova, dove si dedica alla
scrittura di madrigali (Libri II a V) ; spiega per la prima volta nel Libro V la natura del suo nuovo stile, la « seconda prattica », perfezione della musica moderna,
opposta allo stile antico, la « prima prattica » caratterizzata dal contrappunto. Introduce nei suoi madrigali la monodia accompagnata dal basso continuo, già
preconizzata da Jacopo Peri e Giulio Caccini. Nel 1607, compone la prima « favola in musica », l’Orfeo, su libretto di Alessandro Striggio, rappresentata al
Palazzo dei Gonzaga di Mantova con un grandissimo successo.
L’Arianna è la suo seconda « tragedia in musica » su libretto d’Ottavio Rinuccini, nel 1608 a Mantova, di cui ci resta soltanto il Lamento (lasciatemi morire) (Ved.
capitolo 17 di questo libro), che aveva profondamente commosso la corte. Nel 1610, pubblica la sua grande opera religiosa, Vespro della beata Vergine.
Nel 1613, Monteverdi lascia Mantova per Venezia, dove è nominato Maestro di Cappella alla Basilica San Marco ; ci compose numerose opere religiose. Mentre
a Venezia si aprono i primi grandi teatri pubblici, Monteverdi pubblica i suoi Libri VI a VIII di Madrigali e torna alla composizione teatrale col Combattimento di
Tancredi e Clorinda (1624 - Ved. capitolo 15 di questo libro), Il ritorno d’Ulisse in patria (1641), L’incoronazione di Poppea (1642), e numerose altre opere liriche
delle quali parecchie si sono perdute.
L’invenzione dell’opera, Peri e Monteverdi
Euridice - Il pianto d’Orfeo
(Testo : Ottavio Rinuccini
Musica : Jacopo Peri / Giulio Caccini,
Euridice, atto unico, scena IV, Ottobre 1600)
ORFEO -
Funeste piagge ombrosi orridi campi,
Funestes contrées, horribles champs pleins d’ombre
che di stelle, o di sole
qui des étoiles ou du soleil
non vedeste giammai scintill'e lampi,
n’avez jamais vu les étincelles et les éclairs
rimbombate dolenti
résonnez de souffrance
al suon dell'angosciose mie parole,
au son de mes paroles d’angoisse,
mentre con mesti accenti
tandis qu’avec de tristes accents
il perduto mio ben con voi sospiro,
je regrette avec vous le bien que j’ai perdu,
e voi deh per pietà del mio martiro,
et vous, ah par pitié de mon martyre,
che nel misero cor dimora eterno,
qui demeure éternellement dans mon cœur misérable,
lagrimate al mio pianto ombre d'inferno.
Pleurez en me voyant pleurer, ombres de l’enfer.
Ohimè che su l'aurora
Hélas car c’est à l’aurore
giunse all'occaso il sol de gl'occhi miei
que le soleil de mes yeux arriva au couchant,
misero e su quell'ora
misérable et à cette heure
che scaldarmi a bei raggi io mi credei
où je pensai me réchauffer à ses beaux rayons
morte spense il bel lume, e freddo, e solo
c’est là que la mort éteignit la belle lumière, et froid et solitaire
restai fra pianto, e duolo
je restai dans les larmes et la douleur
com'angue suole in fredda piaggia il verno.
comme un serpent l’hiver dans un lieu froid.
Lagrimate al mio pianto ombre d'inferno.
Pleurez en me voyant pleurer, ombres de l’enfer
E tu mentre al ciel piacque
Et toi, tandis qu’il plut au ciel
luce di questi lumi
que la lumière de ces yeux
fatti al tuo dipartir fontan'e fiumi
soit devenus à ton départ fontaines et fleuves,
che fai per entro i tenebrosi orrori,
que fais-tu dans ces horribles ténèbres,
forse t'affliggi, e piagni
peut-être t’affliges-tu et pleures-tu
l'acerbo fato, e gl'infelici amori.
l’âpre destin et les amours malheureuses.
Deh se scintilla ancora
Ah si une étincelle réchauffe encore ton sein
ti scalda il sen di quei sì cari ardori,
de ces si chaudes ardeurs,
senti mia vita, senti,
entends, ma vie, entends
quai pianti, e quai lamenti
quelles pleurs, quelles lamentations,
versa il tuo caro Orfeo dal cor interno.
Verse et chante du fond de son cœur ton cher Orphée.
Lagrimate al mio pianto ombre d'inferno.
Pleurez en me voyant pleurer, ombres de l’enfer
(Voce : Giorgio Morlacchi)
(Voix : Giorgio Morlacchi)
Orfeo, favola in musica - atto II
(Testo : Alessandro Striggio
Musica : Claudio Monteverdi,Mantova, 24 febbraio 1607.
Ensemble La Venexiana, Direction : Claudio Cavina ; Orphée : Mirko Guadagninis ;Messaggera : Marina De Liso ; Pastori : Giovanni Caccamo et Tony
Corradini - 2006)
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
Un Organo di legno e un chitarrone.
Un orgue de bois et un « chitarrone » (grand luth)
Ahi caso acerbo, ahi Fat' empio e crudele,
Ah, hasard acerbe, Ah destin implacable et cruel
ahi stelle ingiuriose, ahi Ciel avaro!
Ah, étoiles injustes, Ah ciel avare !
PASTORE
BERGER
Un clavicembalo, chitarrone e viola da braccio.
Un clavecin, « chitarrone » et « viole de bras » (basse)
Qual suon dolente il lieto dì perturba?
Quelle plainte vient perturber ce jour joyeux ?
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
Lassa, dunque debb'io
Hélas, je dois donc,
mentre Orfeo con sue note il ciel consola
tandis qu’Orphée par ses notes console le ciel,
con le parole mie passargli il core ?
par mes paroles lui transpercer le cœur ?
PASTORE
BERGER
Questa è Silvia gentile
C’est la gentille Sylvie
Dolcissima compagna
la très douce compagne
De la bell’Euridice. O quanto è in vista
de la belle Eurydice. Oh, qu’il est douloureux
Dolorosa ! Or che fia ?
de la voir ! Qu’arrive-t-il ?
Deh, sommi dei,
Ah, dieux suprêmes,
Non torcete da noi benigno il guardo !
ne détournez pas de nous votre regard bienveillant !
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
Pastor, lasciate il canto,
Bergers, arrêtez votre chant,
Ch’ogni nostr’allegrezza in doglia è volta.
Car toute notre joie s’est changée en douleur.
ORFEO
ORPHÉE
Donde vieni ? Ove vai ?
D’où viens-tu ? Où vas-tu ?
Ninfa, che porti ?
Nymphe, quelle nouvelle apportes-tu ?
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
A te ne vengo Orfeo
C’est vers toi que je viens, Orphée,
Messaggiera infelice
messagère malheureuse
Di caso più infelice
d’un destin plus malheureux
E più funesto :
et plus funeste :
La tua bella Euridice …
ta belle Eurydice …
ORFEO
ORPHÉE
Ohimè, che odo ?
Hélas, qu’entends-je ?
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
La tua diletta sposa è morta
Ta chère épouse est morte.
ORFEO
ORPHÉE
Ohimè
Hélas !
MESSAGGIERA
MESSAGÈRE
In un fiorito prato
Dans un pré fleuri
Con l'altre sue compagne,
avec ses autres compagnes
Giva cogliendo fiori
elle allait cueillant des fleurs
Per farne una ghirlanda a le sue chiome,
pour en faire une guirlande à ses cheveux,
Quando angue insidioso,
quand un serpent insidieux
ch'era fra l'erbe ascoso,
qui était caché dans l’herbe
le punse un piè con velenoso dente :
lui piqua le pied d’une dent venimeuse :
ed ecco immantinente
et voilà qu’aussitôt
scolorirsi il bel viso e ne' suoi lumi
son beau visage a perdu ses couleurs et dans ses yeux
sparir que' lampi, ond'ella al sol fea scorno.
Disparurent ces lumières qui faisaient honte au soleil.
Allor noi tutte sbigottite e meste
Alors nous toutes, effarées et tristes,
Le fummo intorno, richiamar tentando
nous fûmes autour d’elle, tentant de rappeler
Gli spirti in lei smarriti
ses esprits égarés
Con l'onda fresca e coi possenti carmi ;
par de l’eau fraîche et des chants puissants,
Ma nulla valse, ahi lassa !
mais cele ne servit à rien, hélas !
ch'ella i languidi lumi alquanto aprendo,
car elle, ouvrant un peu ses yeux languissants,
e te chiamando, Orfeo,
et en t’appelant, Orphée,
dopo un grave sospiro
après un lourd soupir
spirò fra queste braccia, ed io rimasi
expira dans mes bras, et moi je suis restée
pieno il cor di pietade e di spavento.
Le cœur plein de pitié et d’épouvante.
PASTORE (I)
BERGER (I)
Ahi caso acerbo! ahi fato empio e crudele !
Ah, hasard acerbe, Ah destin impitoyable et cruel
ahi stelle ingiuriose ! ahi cielo avaro!
Ah, étoiles outrageantes ! Ah ciel avare !
PASTORE (II)
BERGER (II)
A l'amara novella
À l’amère nouvelle
rassembra l'infelice un muto sasso,
le malheureux semble être devenu une pierre muette,
ché per troppo dolor non può dolersi.
Car par trop de douleur il ne peut pas se plaindre.
Ahi, ben avrebbe un cor di tigre o d'orsa
Ah, il aurait bien un cœur de tigre ou d’ours
Chi non sentisse del tuo mal pietate,
Celui qui n’aurait pas pitié de ton mal,
Privo d'ogni tuo ben, misero amante !
privé de tout ton amour, amant malheureux !
ORFEO
ORPHÉE
Un organo di legno e un chitarrone
Un orgue de bois et un « chitarrone »
Tu se' morta, mia vita, ed io respiro ?
Tu es morte, ma vie, et moi je respire ?
Tu se' da me partita
Tu es partie loin de moi
Per mai più non tornare, ed io rimango ?
Pour ne plus jamais revenir, et moi je demeure ?
No, che se i versi alcuna cosa ponno
Non, car si les vers ont quelque pouvoir,
n'andrò sicuro a' più profondi abissi,
j’irai avec assurance dans les plus profonds abîmes
e intenerito il cor del re de l'ombre
et ayant attendri le cœur du roi des ombres
meco trarrotti a riveder le stelle.
Je te tirerai avec moi pour revoir les étoiles.
O se ciò negherammi empio destino
Ou, si le destin cruel me le refuse
Rimarrò teco in compagnia di morte,
je resterai avec toi en compagnie de la mort,
addio, terra, addio, cielo e sole, addio.
Adieu, terre, adieu, ciel et soleil, adieu.
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