Poésie en musique - chapitre 17
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Chapitre 17   L’art baroque 3 - L’amour et la mort                                         Sensualité et mort dans l’art baroque La sensualité la plus crue est souvent présente dans la poésie, même religieuse comme la Jérusalem délivrée. Celle du Tasse est caractéristique, la beauté d’Armide est décrite dans tous ses détails  ; et les parties cachées de son corps, non pas nues mais suggérées (le ventre et le sexe) suscitent encore plus de désir chez les «  cupides  » chevaliers chrétiens, mâles dominants et brutaux  dont Armide sait jouer, en montrant seulement une partie de son sein. Ce sera la même chose dans toute la peinture de l’époque. On imagine, on fantasme ce que l’on ne voit pas. Dans la Renaissance florentine, la nudité est clairement visible, dans le baroque elle est ambiguë, montrée et cachée, suggérée et non montrée clairement. Bernini, Extase de Sainte Thérèse, détail, 1647-1652- Rome, Sainte Marie de la Victoire Tout est ainsi devenu en mouvement, donc incertain, contradictoire, désorganisé. Il n’y a plus UNE vérité, mais la vérité est incertaine, mobile, comme la vie est incertaine, destinée à la mort. Même la sensualité est mortelle, parce que, dans ce monde chrétien, elle est un péché qui conduit à l’enfer. Et on ne vit pas hors de la sensualité, on est donc destiné à la mort. Monteverdi exprime la même chose, comme nous l’avons vu dans le Combat entre Tancrède et Clorinde  : Tancrède aurait voulu posséder, pénétrer sexuellement Clorinde, mais il la pénètre de son épée et la tue, là est le drame baroque. On vit pour les sens et ceux-ci conduisent à la mort. La vie est aussi dans l’eau, nécessaire à notre existence mais où nous ne pouvons pas vivre, où nous nous noyons, elle nous caresse et nous tue. La sensualité est comme l’eau, elle nous donne du plaisir, mais nous corrompt. Le baroque a le goût des sources, des fontaines, des jeux de miroir, des plus dans les vêtements (Cf. L’extase de Sainte Thérèse du Bernin (1647-1652) ci-dessus), le goût du sein qui allaite et séduit, nourrit et suscite le péché. La vérité comme l’eau est fluide, et nous n’arrivons jamais à la posséder, elle nous échappe toujours. L’amour fait vivre et tue. Les peintres ont représenté souvent le couple de Bacchus et d’Ariane, Bacchus qui console Ariane, les noces de Bacchus et d’Ariane, etc. , mais quelquefois aussi Ariane abandonnée par Thésée, de l’âge baroque (s’inspirant de l’Ariane de Monteverdi) au XXe siècle (De Chirico). Regardez des dizaines de représentations sur  : www4.c-nancy-metz.fr/langues-anciennes/Ariane d’âge en âge. Vous y trouverez plus de 100 images qui vous surprendront. La sensualità più cruda è spesso presente nella poesia, anche religiosa come la Gerusalemme liberata. Quella del Tasso è caratteristica, la bellezza d’Armida viene descritta in tutti i suoi dettagli ; e le parti nascoste del corpo, non nude ma suggerite (il ventre e il sesso), suscita ancora più desiderio nei « cupidi » cavalieri cristiani, maschi dominanti e brutali di cui Armida sa giocare, mostrando soltanto una parte del suo seno. Sarà lo stesso in tutta la pittura dell’epoca. Si immagina, si fantastica quel che non si vede. Nel Rinascimento fiorentino, la nudità è chiaramente visibile, nel barocco è ambigua, mostrata e nascosta, suggerita e non mostrata chiaramente.                                               Luca Giordano (1634-1705, Naples), Arianne abandonnée Tutto è così diventato in movimento, dunque incerto, contradditorio, disorganizzato. Non c’è più UNA verità, ma la verità è incerta, mobile, come la vita è incerta, destinata alla morte. Anche la sensualità è micidiale, perché, in quel mondo cristiano, è un peccato che conduce all’inferno. E non si vive fuori della sensualità, si è dunque destinati alla morte. Monteverdi esprime la stessa cosa, comme abbiamo già visto nel Combattimento di Tancredi e Clorinda : Tancredi avrebbe voluto possedere, penetrare sessualmente Clorinda, ma la penetra con la sua spada e la uccide, qui sta il dramma barocco. Si vive per i sensi e questi portano alla morte. La vita è nell’acqua, necessaria alla nostra vita ma dove non possiamo vivere, dove ci anneghiamo, ci accarezza e ci uccide. La sensualità è acqua, ci dà piacere, ma ci erode. Il barocco ha il gusto delle sorgenti, delle fontane, dei giochi di specchi, delle pieghe nei vestiti (Cf. l’Estasi di Santa Teresa  del Bernini, qui sopra, 1647-1652), del seno che allatta e seduce, nutre e suscita il peccato.  La verità è come l’acqua, fluida, e non riusciamo mai a possederla, ci sfugge sempre. L’amore fa vivere e uccide. Angelica Kauffman (1741-1807)  : Ariane abandonnée à Naxos par Thésée, 1774 I pittori hanno rappresentato soprattutto la coppia di Bacco e Arianna, Bacco che consola Arianna, Le nozze di Bacco e Arianna, ecc. ma talvolta anche Arianna abbandonata da Teseo, dall’età barocca (dall’Arianna di Monteverdi) al Novecento (De Chirico) (Guardate decine di rappresentazioni su  : www4.c-nancy- metz.fr/langues-anciennes/Ariane/fichiers : Ariane d’âge en âge. Ci troverete più di cento immagini che vi sorprenderanno).   Torquato Tasso, L’arrivée de la belle Armida dans le camp chrétien (Gerusalemme liberata, IV, 28-34) Dopo non molti dì vien la donzella                        Peu de jours plus tard arrive la dame dove spiegate i Franchi avean le tende (…  )       là où les Chrétiens avaient planté leurs tentes (…) Argo non mai, non vide Cipro o Delo                Jamais Argos, jamais Chypre ou Délos d’abito o di beltà forme sì care  :                ne virent une beauté aux formes si parfaites ; d’auro ha la chioma, ed or dal bianco velo        sa chevelure est d’or, et tantôt elle brille enveloppée traluce involta, or discoperta appare.          de son voile blanc, tantôt elle apparaît découverte ; Così, qualor si rasserena il cielo,                Ainsi, quand le ciel se rassérène, or da candido nube il sol traspare,                tantôt le soleil luit sous une blanche nue, or da la nube uscendo i raggi intorno        tantôt sortant de la nue, il darde des rayons   più chiari spiega e ne raddoppia il giorno.        plus éclatants et redouble le jour. Fa nove crespe l’aura al crin disciolto,         La brise fait de nouvelles boucles à ses cheveux dénoués che natura per sé rincrespa in onde;                 que la nature par elle-même fait ondoyer ; stassi l’avaro sguardo in sé raccolto,                 son œil avare se tient recueilli entre ses paupières, e i tesori d’amore e i suoi nasconde.                 il cache ses trésors et ceux de l’amour. Dolce color di rose in quel bel volto         Une douce couleur de rose sur ce beau visage fra l’avorio si sparge e si confonde,         se répand et se mêle à l’ivoire, ma ne la bocca, onde esce aura amorosa, mais dans sa bouche, d’où sort une haleine amoureuse, sola rosseggia e semplice la rosa.         seule rougit avec simplicité la rose. Mostra il bel petto le sue nevi ignude,                Sa belle gorge nue montre sa neige, onde il foco d’Amor si nutre e desta.                le feu d’Amour s’en réveille et s’en nourrit. Parte appar de le mamme acerbe e crude, Apparaît une partie de ses jeunes seins durs, parte altrui ne ricopre invida vesta:        une autre partie se cache sous l’étoffe jalouse  : invida, ma s’a gli occhi il varco chiude,        jalouse, mais si elle arrête le regard des yeux, l’amoroso pensier già non arresta,        elle n’arrête certes pas la pensée amoureuse ché non ben pago di bellezza esterna        car inassouvie de beauté extérieure ne gli occulti secreti anco s’interna.        celle-ci pénètre encore dans ses secrets cachés. Come per acqua o per cristallo intero               Comme dans l’onde ou le cristal le rayon passe trapassa il raggio, e no’l divide o parte,             en restant entier, et sans se diviser per entro il chiuso manto osa il pensiero           la pensée ose, dans le manteau fermé sì penetrar ne la vietata parte.               bien pénétrer dans la partie interdite. Ivi si spazia, ivi contempla il vero               Là il embrasse, là il contemple le vrai di tante meraviglie a parte a parte  ;        de tant de merveilles, dans le détail  ; poscia al desio le narra e le descrive,               puis les raconte au désir et les décrit e ne fa le sue fiamme in lui più vive.       et rend les flammes en lui plus vivantes. Lodata passa e vagheggiata Armida       Louée et désirée, Armide passe fra le cupide turbe, e se n’avvede.       au milieu de ces troupes cupides, et elle s’en aperçoit No ‘l mostra già, benchè in suo cor ne rida,      elle ne le montre pas, bien qu’elle rie en son coeur e ne disegni alte vittorie e prede.              et qu’elle en augure grandes victoires et proies. Mentre, sospesa alquanto, alcuna guida      Tandis qu’un peu dans l’attente elle réclame che la conduca al capitan richiede,                  qu’un guide la conduise au capitaine Eustazio occorse a lei, che del sovrano       Eustache accourt vers elle, lui qui du souverain principe delle squadre era germano.       prince des armées était cousin germain. Come al lume farfalla, ci si rivolse      Comme un papillon vers la flamme, il se tourna a lo splendor de la beltà  divina,              vers la splendeur de la beauté divine, e rimirar da presso i lumi volse              pour contempler de près ces yeux qu’un geste modeste che dolcemente atto modesto inchina ;       tient doucement baissés  ; e ne trasse gran fiamma e la raccolse               elle en tira  grande flamme et la concentra come da fuoco suole esca vicina,       comme le fait l’amorce approchée du feu,   e disse verso lei, ch’audace e baldo       Et il lui dit, avec l’audace et l’assurance il fea de gli anni e de l’amore il caldo                que lui donne la jeunesse et la chaleur de l’amour Lasciatemi morire Testo  : Ottavio Rinuccini (Firenze, 1562-1621) Musica  : Claudio Monteverdi, Arianna (1608), ripreso in Madrigali Libro VI (1614) et dans Selva morale e spirituale (1640-41) (Interprétation : Poïesis, Cristiana Presutti, soprano et Marion Fourquier, harpe Este libro es de Don Luis Rossi - Zig Zag Territoires, 2000. Traduzione  : Jean Guichard). Écouter aussi la belle interprétation d’Élisabeth Hongen, chez Archiv Production, 1954. Lasciatemi morire                Laissez-moi mourir e chi volete voi che mi conforte        et qui voulez-vous qui me réconforte in così dura sorte,                dans un destins si dur in così gran martire ?                dans une si grande souffrance  ? lasciatemi morire lasciatemi morire. Laissez-moi mour, laissez-moi mourir. o Teseo o Teseo mio         Oh Thésée, oh mon Thésée si che mio ti vo’ dir che mio pur sei  Oui, je veux te dire mien, car tu es bien à moi,  benchè t’involi, ahi crudo ! Agli’occhi miei  bien que tu t'envoles, oh Cruel !, loin de mes yeux. Volgiti Teseo moi          Retourne-toi, mon Thésée, Retoume-toi, Thésée,  O Dio !                        Oh Dieu  ! Volgiti in dietro a rimirat colei  Retourne-toi pour regarder celle che lasciato a pet te la patria el regno,  qui a quitté pour toi sa Patrie, son royaume, E in queste arena ancora  Et qui sur ces rivages encore, cibo di fete dispietate e crude  proie de bêtes féroces sans pitié et cruelles, lascerà l’ossa ignude.  laissera ses os nus ! O Teseo o Teseo mio        Oh Thésée, oh mon Thésée !, se tu sapessi o Dio Si tu savais, Oh Dieu !, se tu sapessi ohimè come s’affanna Si tu savais, hélas, dans quelle angoisse est la povera Ariana forse pentiro Si tu savais, hélas, dans quelle angoisse est rivolgeresti ancot la prora al lito : tu tournerais à nouveau ta proue vers le rivage  : ma con l’aure serene Mais poussé par les brises sereines, tu te ne vai felice et io qui piango. Toi tu t'en vas heureux et moi, ici, je pleure. A te prepara Atene   Pour toi Athènes prépare liete pompe superbe des pompes joyeuses et superbes, ed io rimango et moi je reste, cibo di fere in solitarie atene. Proie des bêtes fauves sur ces rivages solitaires. Tu l’uno e l’altro tuo vecchio parente L'un et l'autre de tes vieux parents Stringerai lieti ed io tu serreras joyeux dans tes bras, et moi più non vedrovvi je ne vous verrai plus, o Madre o Padre mio  ! oh ma Mère, oh mon Père ! Dove dov’è la fede        Où est donc la fidélité che tanto mi giuravi ? Que tu me jurais tant ? così ne l’alta sede               Est-ce ainsi que tu me replaces tu mi ripon de gl’Avi ?   Sur le trône royal de mes Ancêtres ? Son queste le corone onde m’adorni il crine ?  Sont-ce là les couronnes dont tu ornes ma chevelure ? Questi gli scettri sono, Sont-ce là les sceptres, Queste le gemme e gl’ori ? les pierres précieuses, les bijoux ? Lasciarmi in abbandono Me quitter, m'abandonner A fera che mi strazi e mi divori ?        à un fauve qui me déchire et me dévore  ? Ah Teseo Ah Teseo moi        Ah Thésée, ah mon Thésée, Lascerai tu morire                Laisseras-tu mourir lnvan piangendo invan gridando aita        pleurant en vain, criant en vain à l'aide la misera Ariana                La malheureuse Ariane ch’a te fidossi e ti diè gloria e vita ? qui te fit confiance et te donna la gloire et la vie  ? Ahi che non pur risponde         Hélas, tu ne réponds même pas ! ahi che più d’aspe è sordo a miei lamenti Hélas, plus qu’un aspic il est sourd à mes plaintes ! O nembi, o turbi, o venti         Oh nuages, oh tourbillons, oh vents, sommergetelo voi dentr’ a quell’ onde Engloutissez-le, vous, dans ces flots ! correte orche e balene                Courez, monstres marins et baleines e delle membra immonde        Et de ses membres immondes empiete le voragini profonde        Emplissez les gouffres profonds ! Che parlo, ahi che vanneggio ?        Que dis-je, hélas, mais je délire ! misera ohimè ? che chieggo Malheureuse ! Hélas, qu'ai-je demandé ? o Teseo o Teseo mio         Oh Thésée, Oh mon Thésée, non son non son quell’io         Ce n'est pas moi, non, ce n'est pas moi Non son quell’io che i feri detti sciolse Ce n'est pas moi qui ai dit ces mots cruels, parlò l’affanno mio, parlò il dolore, C'est mon angoisse qui a parlé, c'est ma douleur, parlò la lingua si ma non già il core.         C'est ma langue, oui, mais pas mon coeur. Misera, ancor dò loco a la tradita speme  ? Malheureuse ! Je fais encore place à l'espoir trahi ? E non sii speme,                Que l'espoir ne soit plus. O Madre o Padre                Oh ma Mère, oh mon Père, O de l’antico Regno superbi alberghi,        Oh superbes demeures de l'antique Royaume Ov’ ebbi d’or la cuna.                où j'eus un berceau d'or, O servi o fidi amici (ahi faro indegno)        Oh serviteurs, oh mes amis fidèles (hélas destin indigne), Mirate ove m’ha scort’empia fortuna,        Voyez où m'a menée une fortune cruelle, Mirate di che duol m’ha fatto herede        Voyez de quelle douleur m'ont faite l'héritière L’amor mio, la mia fede,        Mon amour, ma foi E l’altrui inganno,                Et la tromperie d'un homme. Così va chi tropp’ ama e troppo crede. Ainsi va qui aime trop et a trop confiance                                                                                                                                                                   RETOUR A LA TABLE DES MATIERES               CHAPITRE 18 - Quelques poétesses de l’époque baroque                                                                                                                                                                                                                                  
Girolamo Pacchia (1477-1533), Arianne abandonnée par Thésée,  1515-1520, Sienne Giorgio De Chirico (1888-1978), Arianne  abandonnée, 1913, Dusseldorf
Giorgio De Chirico, Baigneuse au soleil (Ariane endormie), 1931, Turin
Argo = ville natale d’Hélène et consacrée à Hera Junon; Chypre = patrie de Vénus ; Delos = consacrée à  Diane-Artemide. Armide est décrite selon le modèle de la beauté classique : longs cheveux blonds bouclés  crêpés par le vent, peau blanche, Visage coloré de rose et de blanc (les roses et l’ivoire) bouche de rose. Elle est comparée à une comète et au soleil.  Voir l’opposition entre la neige (la peau) et le feu (le désir) Autre comparaison avec le  cristal transparent Noter le caractère théâtral et presque cinématographique de cette arrivée d’Armide  L’art baroque est toujours théâtral.